lundi 13 juillet 2020

Les injonctions paradoxales dans le monde de l'assurance-vie au cinéma : "Maman a tort" (Marc Fitoussi - 2016)


La période d’application en entreprise a pu quelquefois servir de cadre à des fictions françaises ou étrangères. Dans le film « Maman a tort » de Marc Fitoussi, c'est le stage de découverte imposé aux élèves de classe de 3ème qui est le prétexte d'une immersion entreprise.
Comme la plupart des élèves de son âge, Anouk (Jeanne Jestinqui vit seule avec sa mère, a du mal à trouver une entreprise pour ce stage de 3ème. L'unique solution pour elle est d'accepter de passer cette semaine chez un caviste comme lui propose son père. Sa mère préfère finalement qu'elle intègre la compagnie d'assurance-vie où elle travaille. A cette occasion, la jeune fille découvrira sa mère sous un autre jour, se montrant inhumaine, notamment avec les clients. Sa fille comprendra qu'elle ne cède finalement qu'à la pression de sa hiérarchie.

Sur le fonctionnement d'une entreprise vu de l'intérieur, "Maman a tort" est assez réaliste, même si l'on voit les salariés essentiellement pendant les pauses, en train de fumer à l'extérieur sous des champignons chauffants, ou à l'heure du déjeuner. L'accueil et la sécurité ne sont pas des plus rigoureux ; faute de document d'identité, on peut tout de même rentrer dans les locaux. Si la pression latente touche essentiellement Cyrielle (Emilie Dequenne), la mère d'Anouk , on rencontre aussi une salariée à l'infirmerie qui dépressive se dit harcelée. Les relations entre collègues sont parfois tendues comme dans la vraie vie. Ainsi, alors qu'elle se sert au self, Cyrielle, la mère d'Anouk se fait agresser verbalement par une collègue qui lui reproche de l'avoir infantilisée lors d'une réunion. L'adolescente pensera venger sa mère en renversant un verre d'eau sur le bureau de la plaignante, puis s'apercevra que ce n'était pas son poste de travail. Une attitude pour le moins étonnante pour une aussi jeune personne.

Les métier de l'entreprise et son activité, l'assurance vie, sont peu visibles. Cyrielle tente d'expliquer ce qu'est "l'assurance emprunteur" à sa fille, qui comprendra un peu mieux à l'occasion d'une rencontre avec une cliente dont sa mère a refusé le dossier, et qui se trouve en conséquence en grande difficulté. Afin de comprendre l'attitude qu'elle juge inhumaine de sa mère, Anouk ira jusqu'à la rencontrer à l'extérieur de l'entreprise, ce qui semble peu plausible eu égard à l'âge théorique de l'adolescente, mais qui permet certainement d'alimenter le scénario.
Le comportement de certains salariés peut étonner. C'est le cas de la tutrice d'Anouk et de sa collègue dont on se demande ce qu'elles font de leurs journées, qui se montrent stupides et infantilisantes. Tout autant que le tuteur d'un autre élève, chargé de la distribution du courrier.

S'il n'est pas exempt d'intérêt, rien que pour la relation entre la fille et sa mère, ce film n'apporte rien  à la compréhension des mécanismes qui génèrent de la souffrance au travail. Il laisse en effet penser, que c'est uniquement la pression de la hiérarchie, obnubilée par les résultats qui en est la cause. Ce que la mère expliquera maladroitement à sa fille en excusant le comportement d'un supérieur : "Il est un peu au dessus de moi, il a tous les droits". Le plus crédible reste peut-être l'injonction paradoxale à laquelle est soumise Cyrielle, qui doit "maquiller" des dossiers pour éviter trop de remboursements aux assurés. Résignée, elle expliquera à sa fille qu'elle n'a pas le choix, que si elle n'a jamais démissionné c'estqu'elle n'a pas de diplôme et qu'elle a fait toute sa carrière chez Serenita.

La bande annonce de "Maman a tort"


samedi 18 avril 2020

Des usines aux bureaux d'embauche dans la chanson "L'usine" de Marka (1997)

De son vrai nom Serge Van Laeken, Marka est un artiste belge qui est connu pour ses titres qu'il interprète seul, avec des groupes de rencontre ou en duo avec l'humoriste Laurence Bibot avec qui il a eu deux enfants très connus dans le monde de la chanson, le rappeur Roméo Elvis et de la chanteuse Angèle. Très connu en Belgique, il a fait Chevalier de l'Ordre de Léopold II, et plus récemment, son titre "It’s only football" a été utilisé comme hymne de l'équipe nationale "Les Diables Rouges" pour la Coupe du Monde de football de 2018 en Russie.

En 1997, il nous livrait cette chanson,  "L'usine" qui parle d'un "Don Juan" des usines, dont on ne sait si lui même travaille dans l'industrie, et qui, en raison de la désindustrialisation, doit se replier sur les bureaux d'embauche où pointent les ouvrières qui ont perdu leur emploi. Les références au monde du travail en général et au contexte industriel en particulier sont à la hauteur de cet opus sans prétention mais entraînant. Elles se limitent à quelques mots, " bleu de travail, ouvrières, 1er mai, défilaient, classe ouvrière ..." et ce que veut juste le dragueur des usines c'est rendre "toutes heureuses" ces ouvrières" devenues "jolies chômeuses" .

Les paroles de "L'usine"
Au temps des usines
A l'époque des machines
Il y avait des ouvrières
Des très jolies prolétaires
Au temps de l'industrie
Je me souviens bien des filles
En bleu de travail
Bien serré à la taille
Je suis le dragueur des usines
Le don Juan des ouvrières
Mais il n'y a plus d'usine
Y a plus d'ouvrières
À l époque industrielle
J'aimais bien les manuelles
Qui terminent en sueur
Leur journée de labeur
C'était le bon temps
Ou on engageait des gens
Et les filles que j'aime
Sortaient de l'usine à la chaîne
Je suis le dragueur des usines
Le don Juan des ouvrières
Mais il  n'y a plus d'usine
Y a plus d'ouvrières
Plus une seule sur terre
Tous les jours elle travaillaient
Mis à part le 1er mai
Où elles défilaient très fières
Avec leur classes ouvrière
Les temps changent
La vie est étrange
Aujourd'hui je débauche
Au bureau d'embauche
Depuis qu'il n'y a plus d'usines
Je débauche les jolies chômeuses
Ces filles sont mon but ultime
Je veux toutes les rendre heureuses
Les rendre heureuses
Je veux toutes les rendre heureuses
Les rendre heureuses
Je veux toutes les rendre heureuses
Le dragueur des usines
Le don Juan des ouvrières
Mais il n'y a plus d usine
Y a plus d'ouvrières
Les rendre heureuses
Je veux toutes les rendre heureuses
Les rendre heureuses
Je veux toutes les rendre heureuses
Toutes
Toutes
Toutes
Toutes
Toutes

dimanche 16 février 2020

La condition du personnel de maison au Chili dans le film "La Nana" (2009)

Ce film de 2009 du réalisateur Sebastián Silva nous plonge dans l'univers cossu de la bourgeoisie chilienne contemporaine, à travers le prisme de la vie d'une domestique. Il s'agit ici de Raquel, d'une méchanceté magistralement interprétée par Catalina Saavedra, qui est employée par une famille aisée, composée du père dont on ignore la profession et qui passe le plus clair de son temps au golf, de la mère, enseignante à l'université, d'un jeune fille, étudiante, d'un adolescent et de jeunes bambins. La bonne finira par s'ouvrir, suite à un problème de santé, à la faveur de l'arrivée d'une collègue chargée de l'assister et qui lui comblera partiellement le manque d'affection dont elle souffre finalement.

Ce film, "La Nana" est construit autour de la relation particulière, parfois intime voire ambigue qui se tisse entre la famille et cette employée, et sur son dévouement sans limite pour ses employeurs, au détriment de sa vie personnelle.

Sur les compétences propres à l'exercice du métier de domestique, ce long-métrage nous donne un aperçu des différentes tâches inhérentes à cette profession, sans moult détails, ce sont davantage les compétences comportementales qui sont mises en relief, en raison de la proximité de la bonne avec chacun des membres e la famille.

C'est plutôt sur l'emploi en général au Chili que le film nous livre des enseignements puisqu'on peut constater que de jeunes femmes viennent du fond de la province ou même du Pérou pour occuper ces postes de domestiques attachés au service de riches familles, quasiment disponibles 24 heures sur 24 et ne bénéficiant que d'un jour de congé par semaine.

Ce film a été primé, entre autres, au Festival du film de Sundance en 2009.

La bande annonce du film :