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samedi 19 mars 2016

Le licenciement dans un tube du chanteur italien Luciano Ligabue : Non ho che te (2015)

Notre Schmoll national avait décrit avec une grande justesse le désarroi vécu par un cadre victime de la perte de son emploi, (voir notre article : Les effets de la crise économique dans les années 1970 : "Il ne rentre pas ce soir", une chanson d'Eddy Mitchell). Le ton en est si juste que, récemment, au cours d’une émission diffusée sur France 3 consacrée à son compère (Eddy Mitchell Itinéraires), Jacques Dutronc déclarait qu’Eddy Mitchell n’avait pas besoin de pousser sa voix pour interpréter cette chanson. Un titre qui exprime aussi le sentiment d’inutilité frappant un homme dans une société misogyne où le « mâle » a depuis toujours pourvu aux besoins du foyer. Dans un pays tout aussi teinté de machisme que le nôtre, l’Italie, c’est le chanteur très populaire LucianoLigabue qui communique avec autant de force et d’acuité la détresse subie par un homme dans la force de l’âge à qui l’on annonce du jour au lendemain, qu’il a perdu son travail : hanno detto avete perso il posto (di lavoro). Si ce salarié qualifiait son job d’infect (infame), il le respectait néanmoins, l’ayant toujours appelé « son travail » (l’ho chiamato sempre il mio lavoro), et s’il fait un parallèle avec l’enfer, c’est bien au moment de son licenciement qu’il plonge dans l’abîme.
Il ne manque pas d’évoquer quelques éléments pragmatiques, liés à son âge ou à des considérations financières : l’âge de départ à la retraite qui augmente (ci han spostato sempre un po più avanti la pensione) et la banque, où « ils sont gentils mais ne veulent rien donner … la même gentillesse que le serpent » (in banca son gentili ma non mi danno niente la stessa gentilezza del serpente). Et les jours passent, interminables (i giorni sono lunghi, non vogliono finire), pendant que le syndicat appelle à une nouvelle mobilisation pour ceux qui restent (il sindacato chiede un’altra mobilitazione per quelli che ci sono ancora dentro). Et puis, sans que ce soit  une consolation, le patron ne semble pas être au mieux : les yeux gonflés, la chemise froissée, quand il rencontre son ancien salarié, il détourne le regard, les yeux vides, la barbe négligée (ho visto il titolare aveva gli occhi gonfi, la giacca da stirare mi ha visto, si è girato, stava male aveva gli occhi vuoti, la barba da rifare).
Comme dans la chanson d’Eddy Mitchell, le plus pénible, c’est  l’impression d’inutilité, le sentiment de culpabilité exprimé par un refrain scandé à l’adresse de la compagne de ce « disoccupato » : je te demande pardon si je t’offre aussi peu (ti chiedo scusa se ti offro così poco), je te demande pardon si je ne te donnerai pas assez, je te demande pardon si je te demanderai de la patience (ti chiedo scusa se non ti darò abbastanza ti chiedo scusa se ti chiederò pazienza). Un refrain qui finit par une imprécation afin de ne pas être abandonné, qui donne son titre à la chanson du rocker transalpin : je n’ai que toi, je n’ai que toi (non ho che te).
Tout autant que « Il ne rentre pas ce soir », la musqiue de « non ho che te » n’a rien d’un blues mais bénéficie d’un rythme enlevé qui renforce le réalisme d’un texte dont la mise en image du clip est particulièrement bien adaptée.

Pour aller plus loin : le texte intégral de la chanson


dimanche 21 février 2016

Mondialisation, logistique portuaire et une femme de ménage dans "Ma part du gâteau" un film de Cédric Klapisch (2011)

Cédric Klapisch a-t-il été trop ambitieux ou ne voulait-il simplement pas réaliser une véritable comédie sociale avec cette "Ma part du gâteau", son film de 2011 ? Alors que les ingrédients semblaient être réunis, le résultat est un mélange entre une critique de la mondialisation et de ses effets dévastateurs, une chronique de la lutte des classes au sein d'une entreprise du nord de la France, et une histoire d'amour qui serait banale si elle ne s'instillait entre deux personnes qui n'auraient jamais dû se rencontrer.
France, le personnage principal, personnifiée par une remarquable Karin Viard, est une mère courage qui élève seule ses trois filles, et qui doit aller travailler à Paris, suite à son licenciement provoqué par les affreuses spéculations de traders basés à Londres. Elle était jusqu'alors salariée dans une entreprise qui gère des containers, à Dunkerque, et se fait embaucher comme femme de ménage particulière chez Stéphane (Gilles Lellouche), justement  l'un des requins de la finance responsables de sa situation. Elle s'en rendra compte, après avoir eu une relation avec lui, favorisée par la proximité qu'elle développe avec son fils dont il ignorait pratiquement jusqu'à présent l'existence . S'apercevant qu'elle a été trahie par Stéphane, qui n'a aucun sentiment pour elle, et qu'il est à l'origine de la casse occasionnée dans son entreprise, elle le fera venir à Dunkerque après avoir kidnappé son enfant, et le "dénoncera" à ses anciens collègues. Le film s'achève alors qu'elle est emmenée par les gendarmes, le sentiment d'injustice n'en est que plus fort, tandis que lui même s'enfuit, poursuivi par les ouvriers de l'entreprise dont il a scellé le sort par ses spéculations.
Sur le monde du travail, si Cédric Klapisch nous montre un peu le monde des salles de marché et sa tension palpable, il nous dévoile à peine l'univers portuaire et la manipulation des containers, est esquisse tout au plus la lutte syndical pour la défense des emplois. Au  registre du métier de femme de ménage, les scènes sont elle aussi limitées, puisque France travaille seule au domicile du trader, où elle repasse, passe l'aspirateur, s'occupe de son fils ou, exceptionnellement, assure le service lors d'une réception organisée par Stéphane dans son luxueux appartement.