lundi 29 décembre 2014

Vidéo-surveillance dans la grande distribution : "La caissière du super", une chanson d'Arthur H (2014)

C'est le même sujet que dans le précédent article "Video-Surveillance dans la grande distribution", mais cette fois c'est Arthur H dans sa chanson sortie en septembre dernier, "La caissière du super" qui nous interpelle. Pratiquement rien sur les pratiques professionnelles de l'hôtesse de caisse comme il est bienséant de les nommer, mais quelques éléments sur sa motivation : si elle travaille c'est pour "les beaux yeux de son gosse", pour "son gosse", "pour la banque, pour les beaux yeux de la banque", ou "pour la bouffe, pour la bouffe de son gosse" . Quant aux conditions de travail, nous apprenons que "la caissière du super" est surveillée, que "les cameras ne se lassent pas
d'enregistrer les petits travers de la caissière du super", que les "petits chefs ne se lassent pas de critiquer les petits travers de la caissière du super".

Le texte intégral de la chanson peut être consulté sur ce site.

dimanche 28 décembre 2014

La vidéo-surveillance dans la grande distribution : "De rouille et d'Os" de Jacques Audiard (2012)

La vidéo-surveillance semble constituer un sujet prégnant dans le monde de la distribution, qu'elle soit alimentaire (G.D.A.) ou spécialisée (G.S.S.). Nous avions pu en juger dans le cinéma ou à la télévision avec des films comme Gigante ou Surveillance dans lesquels la trame se déroule essentiellement dans la surface de vente. Une nouvelle preuve à verser au dossier nous est donnée dans le film de Jacques AUDIARD, "De rouille et d'os" en compétition officielle au Festival de cannes 2012, et interprété entre autres par Marion COTILLARD et Matthias SCHOENAERTS. Ce dernier joue le rôle d'Ali, un jeune marginal qui débarque avec son fils sur la Côte d'Azur  pour rejoindre sa sœur, caissière dans un supermarché. Entre deux combats à mains nues sans aucune règle organisés sur un terrain vague par un bookmaker véreux, il assurera des missions de surveillance dans des entreprises pour ce même commanditaire interprété par Bouli LANNERS. Peu scrupuleux, celui-ci demandera à Ali de "planquer" des caméras dans un magasin, celui même où sa sœur travaille et qui en fera les frais puisque son patron s'apercevra par ce moyen qu'elle récupère des produits dont les dates limites de consommations (D.L.C.) sont périmées.
Il est à noter que c'est l'excellente Corinne MASIERO, déjà très remarquée dans Louise WIMMER qui assure le rôle d'Anna, la sœur d'Ali et que sur le plan des conditions de travail, le film débute sur un accident  du travail puisque Stéphanie (Marion COTILLARD) dresseuse d'orques au parc aquatique d'Antibes se voit amputer les deux jambes suite à un choc violent avec un des mammifères. Un accident du travail atypique et que l'on espère fort rare.

dimanche 30 novembre 2014

Une hôtesse de l'air dans les années 60 : Catherine DORLEAC dans "la Peau douce" de Truffaut (1964)


A l'occasion de l'anniversaire de la disparition de François TRUFFAUT, Arte a proposé une large diffusion des œuvres du cinéaste, dont "La peau douce", une dramatique qui raconte la relation adultère entre un écrivain à succès (Jean DESAILLY) et une hôtesse de l'air, magnifiquement interprétée par une Françoise DORLEAC sublimée par le maître français. Le film, qui s'achève tragiquement, nous donne à voir le métier d'hôtesse de l'air à l'époque des vols en Caravelle où les voyages en avion étaient réservés à une élite.
Le personnel de bord assurait alors le service de restauration, mais sans les contraintes commerciales que connaissent les stewards et hôtesses de nos compagnies low-cost, devenus de véritables agents commerciaux, priés de développer le chiffre d'affaires en proposant, sandwiches, boissons, parfums, cigarettes ou tickets de bus, après s'être acquittés de la corvée du remplissage des coffres à bagages,  encombrés par les volumineux bagages à main de passagers de plus en plus pressés et de moins en moins respectueux.
En 1964, l'hôtesse de l'air bénéficie encore du prestige lié à la fonction : belles et élégantes dans toute situation, elles parcourent le monde et goûtent le charme de palaces pendant les escales, tuant le temps en compagnie des pilotes ou copilotes, ou en s'adonnant au shopping dans diverses capitales de la planète. Les conditions de travail sont plutôt supportables, n'était-ce la tabagie ambiante qui affecte les habitacles des avions, et faute de coffres à bagages au dessus des sièges, pas de risque de lumbago en manipulant une valise ou un sac de voyage.
Elles doivent cependant maintenir leur condition physique, Nicole CHOMETTE (Catherine DORLEAC) fréquente d'ailleurs une salle de sports afin de préparer le recyclage.de sa formation  de secourisme.
Le plus marquant est sans conteste la brièveté de la carrière de ces jeunes femmes  : Nicole explique à Pierre LACHENAY, cet auteur spécialiste de Balzac, qu'après 2 ou 3 ans d'activités les hôtesses de l'air se marient et abandonnent leur profession.

Sources : le site de TELERAMA et le site d'ARTE


samedi 30 août 2014

Précarité dans le nettoyage : "Louise Wimmer", un film de Cyril Mennegun

Le secteur du ménage ou du nettoyage se prête décidément et malheureusement bien à la précarité. Plusieurs films cités dans ce blog déroulent leur trame dans ce domaine d’activité
Pour Louise Wimmer, le travail consiste à faire les chambres d’un hôtel, le matin. Elle ne bénéficie que d’un temps partiel et aimerait faire plus d’heures pour compléter ses revenus. D'autant plus qu’elle n’a pas de logement et qu’elle doit vivre dans sa voiture, une Volvo hors d’âge qu’elle doit maintenir en état à tout prix pour honorer son contrat de travail. La position devient encore plus fragile lorsqu'une jeune et zélée collègue de Louise, interprétée par Marie Kremer,  n’hésite pas à jouer de ses charmes pour s’attirer les faveurs du chef pour faire embaucher sa belle-sœur. Ce que le manager acceptera en commentant en ces termes «  si elle est comme vous, on n’aura pas de problèmes ».
Pour Louise la situation est inextricable : elle a de plus en plus de mal à conserver le niveau d'hygiène nécessaire à son emploi, et s'arrange en "empruntant" des savons ou des produits alimentaires destinés au petit-déjeuner dans la réserve de l'hôtel ou profitant de la douche du foyer où elle assure des missions de baby-sitting qui lui assurent un complément de revenus. Elle développe un esprit d'adaptation, compte sur quelques rencontres : la gérante d'un bar qui l'héberge et fait office de poste restante et l'un des clients de ce bar qui aide Louise à réparer sa voiture, et qui l'accompagnera dans la scène ultime du déménagement vers l'appartement qu'elle obtiendra finalement.
Entre-temps, elle aura dû vivre quelques moments pathétiques : abandonner son mobilier resté dehors chez son ex, ou entendre sa fille lui annoncer qu'elle s'installe avec son petit ami, alors qu'elle même est à la rue. Le tout est traité sans tomber dans le mélodramatique mais tout en retenue, et là réside certainement tout le talent du réalisateur, Cyril Mennegun, et sans conteste celui de l'époustouflante Corinne Masiero dans le rôle de Louise.
Dans le registre du monde professionnel puisque c'est celui qui nous intéresse, quelques scènes montrent Louise au travail avec sa collègue Séverine (Marie Kremer) ou avec le manager de l'hôtel. Ce dernier est exigeant sans être tortionnaire, mais contestera les heures supplémentaires déclarées par Louise mais sans que l'on sache si c'est elle qui gonfle son crédit où si c'est le responsable qui rechigne à lui régler.
Cet excellent film a été sélectionné à 30 reprises dans différents festivals à travers le monde et a obtenu le César du meilleur premier film (2013) et le Prix Louis-Delluc du meilleur premier film (2013)

mardi 29 juillet 2014

Un odieux chantage au licenciement dans "Deux jours, une nuit" le dernier film des Dardenne

Selon certains experts, ce film des frères Dardenne, Jean-Pierre et Luc, est le grand absent du palmarès du dernier festival de Cannes. Si nous n'émettrons aucun jugement sur la qualité du film, il apparaît que la trame en soit pour le moins fantaisiste au regard du droit du travail et des pratiques en entreprises en matière de licenciement.
En l’occurrence, un patron met dans les mains de ses salariés, le marché suivant : ils encaisseront  leur prime annuelle d'un montant de mille euros à condition que leur collègue Sandra, interprétée par Marion Cotillard, soit licenciée.
Il n'est certes pas impossible qu'un tel comportement puisse se rencontrer dans le monde cruel de l'entreprise, mais un employeur prendrait-il le risque de se faire sanctionner par les autorités, car il est facile d'imaginer que, très vite, l'affaire aurait été jetée en pâture aux medias.
Cette licence que s'autorisent les réalisateurs belges leur permettra de sonder la noirceur ou la beauté des âmes, dans ce nouvel opus d'un genre dont ils ont le secret, la "comédie sociale". Un jugement que ne partage peut-être pas le jury du festival.

dimanche 27 juillet 2014

L'Open Space version années 70 dans un film de Robert Enrico "Pile ou face" (1980)

Des acteurs français de premier plan, Philippe Noiret et Michel Serrault, un talent en devenir Pierre Arditi et une actrice inattendue, Dorothée, l'animatrice vedette des mercredi après-midi destinés à la "jeunesse"d'Antenne 2, constituent le principal du casting de ce film de Robert Enrico. La trame tient en haleine le spectateur, même si l'on sait dès le début que Edouard Morlaix, modeste comptable, a précipité par la fenêtre son épouse devenue insupportable, sous les yeux pratiquement de la voisine d'en face, présentatrice sur la chaîne de télévision régionale, ou plutôt "speakerine", comme on disait à cette époque.
Si l'on voit souvent les policiers en action pendant ce long métrage, peu de scènes montrent l'employé sur son lieu de travail cependant l'une d'entre elles est assez intéressante. : Edouard y est assis à son bureau, aligné avec celui de ses collègues, tous tourné vers "l'aquarium" vitré et surélevé de celui que l'on imagine être le chef de service qui leur fait face. Une disposition classique des pools de saisies ou des open space à la française des années 70.
Bien qu'acteur de cinéma encore peu expérimenté puisqu'il n'apparaît que pour la 5ème fois à l'écran avec "Pile ou face", Pierre Arditi apparaissait l'année précédente dans le film d'Alain Resnais "Mon oncle d'amérique"  cité sur ce même blog.

samedi 28 juin 2014

"Des vivants et des morts" : une fresque sociale de Gérard Mordillat autour d’une fabrique de fibre plastique.

La diffusion sur Arte de cette mini-série en 8 épisodes, "Des vivants et des morts", remonte à mai 2012. Faute d’avoir lu le livre, nous pouvons raisonnablement penser qu’elle respecte fidèlement l’œuvre dont elle est tirée puisque c’est Gérard Mordillat qui l’a adaptée lui-même à partir de son propre roman (Les vivants et les morts - Calmann Lévy 2005)
L’histoire est plausible, nous découvrons une entreprise industrielle assez classique, une fabrique de fibres plastiques la K.O.S. dans laquelle les salariés sont impliqués au plus haut point. Ils iront jusqu'à risquer leur vie pour sauver leur outil de travail suite à une inondation. Avec certes, un soupçon de romanesque, mais c’est le parti pris de l’auteur pour montrer ce degré d’investissement des ouvriers. Les différents protagonistes sont correctement installés dans leurs rôles, les acteurs sont convaincants, Robinson Stévenin en tête. Le réalisateur ne nous donne pas à voir des caricatures de personnage.
Les premières scènes permettent d’évaluer les stratégies des différentes classes sociales au travers de leurs représentants : actionnaires, dirigeants ou salariés. Car toute la trame s’articulera autour de  la réduction d’effectifs, avec d’inévitables licenciements à la clé, voire de la fermeture pure et simple de l’unité de production. Un événement qui touche Rudy (Robinson Stévenin) dont l’épouse Dallas doit effectuer des heures de ménages chez un médecin pour que le couple puisse s’en sortir. En effet, pour faire face aux dépenses et au remboursement du foyer, le  salaire de son mari ne suffit pas. Ce dernier refusera un poste de maîtrise dans la nouvelle organisation, ce que s’empressera d’accepter son meilleur ami à qui le poste est ensuite proposé. La trahison, donc, mais aussi la peur avec la situation difficile d’une autre salariée, une jeune femme dont le mari est en « longue maladie », et qui voit s’abattre sur elle la menace d’une perte de revenus.
Sans abandonner totalement le parcours des protagonistes, la suite de la série prendra un tour davantage politico-financier, avec le rachat de la K.O.S. par un groupe américain, une délocalisation et la mise en relief très réaliste de l’impuissance des élus ou des institutions, Maire, Préfecture, Direction du travail … face aux lobbies financiers.
Les salariés se replieront alors dans un état de résistance proche d’un état de guerre qui aboutira à une prise d’otages au sein du site de production.
Sur un plan sociologique, Gérard Mordillat décrit aussi les mécanismes qui, en période de crise, conduisent à la xénophobie et au racisme.
Une série réussie, on pourra seulement regretter quelques excès dans le scénario, à l’instar de ce Directeur Général qui, par amour pour une salariée, quitte sa femme et ses filles, dont l’une d’elles est tombée enceinte à la suite d’une relation avec un apprenti de l’entreprise.

Pour retrouver un bref résumé des 8 épisodes, voir le site d'Arte.

L'univers des grands magasins dans "Riens du tout" de Cédric Klapisch (1992)

Dans « Riens du tout » (1992), Cédric Klapisch, alors tout jeune réalisateur, nous plonge dans l’univers des grands magasins. La situation des « Grandes galeries » est peu reluisante, un directeur est donc recruté pour redresser la situation à l’échéance d’un an. Sans tomber dans la caricature, la critique du monde des grands magasins d’un côté, et celle des nouvelles théories managériales sur autre plan, sont assez justes.
Le nouveau dirigeant, M. Lepetit, interprété par FabriceLucchini, commence par s’immerger afin de susciter la confiance de ses collaborateurs, puis met en place un plan d’actions, aidé de consultants.
Les salariés sont pour certains réfractaires, « tu me vois prendre des cours ? » ou plus ouverts, « mais si, c’est bien ! », ou bien défendent leur statut de démonstratrice ou de vendeur(se).
Des conflits naîtront de la mise en œuvre de la nouvelle organisation, accentués par la position des syndicalistes qui s’indignent par exemple qu’un étudiant en DEES de marketing,  ne soit pas rémunéré au titre de son stage, alors que lui-même ne s’en plaint pas.
Le dirigeant essaiera de resserrer la cohésion entre ses salariés au travers d’actions collectives comme la création d’une chorale ou l’organisation d’un séminaire de « team building » dont le point d’orgue sera un saut à l’élastique pour l’ensemble des salariés ; l’un d’entre eux refusera l’ épreuve.


D'autres actions viseront à augmenter la performance commerciale. En effet, le jeune manager découvre que certains employés, certes en fin de carrière, se désintéressent complètement des clients et de leurs préoccupations.  Une situation plutôt rare de nos jours dans ces grandes enseignes de la distribution de centres villes. Il développera aussi les animations commerciales en magasin, respectant ainsi les règles du commerce moderne.
Il usera de procédés moins glorieux pour promouvoir son enseigne ; il s’empressera par exemple d’affubler l’un de ses salariés chargé de nettoyage d’un tee-shirt à ses couleurs, à l’issue d’un marathon que celui-ci vient de remporter.
Les efforts de notre « manager de transition », dirait-on aujourd'hui, seront vains car la décision de fermer le magasin était prise dès le début par le Conseil d’administration, qui cherchait en fait à développer les ventes pour financer le plan de licenciement.


samedi 14 juin 2014

Une incohérence dans un film de Robert Guédiguian : "Les neiges du Kilimandjaro"

Ce film de Robert Guédiguian (2011) prend corps dans les locaux de la CGT d'une entreprise située à proximité du port de Marseille. La situation est totalement irréelle, d'un point de vue légal, puisqu'elle montre un représentant syndical qui égraine les noms de ceux de ses collègues tirés au sort qui seront victimes du plan de licenciement.
Parmi ceux-ci, Michel, lui aussi responsable de la CGT, qui à l'occasion de ses 30 ans de mariage se verra remettre une somme d'argent destinée à financer un voyage en Tanzanie. Une nouvelle lune de miel qui ne se fera pas puisque Michel et son épouse Marie-Claire (Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride) ainsi qu'un couple d'amis qui se trouvent à leur domicile se verront pris en otage et agressés par des malfrats dont l'un d'eux inspirera la compassion après que notre couple l'ait identifié.
Si la trame narrative interpelle sur les points de vue respectifs des victimes et des agresseurs, elle part donc d'une situation totalement fictive puisque seule la direction de l'entreprise peut dresser la liste des salariés licenciés, en se basant sur des éléments objectifs.

dimanche 25 mai 2014

Les "grands" philosophes dans une "boîte de com", Platon la gaffe, une BD de Jul et Pépin,

L'idée est intéressante et propice à la "rigolade", imaginer les philosophes les plus réputés à différentes postes d'une agence de communication, la Cogitop. C'est le pari audacieux de Jul (dessin) et Charles Pépin  (scénario) qui ont créé cette BD, "Platon la gaffe, Survivre au travail" dans laquelle Kévin Platon, un élève de 3ème en stage de découverte, côtoie Montaigne, en période "d'Essais", Karl Marx, délégué syndical, bien évidemment, Foucault le responsable de la vidéosurveillance, Thérèse d'Avila la secrétaire de direction ou encore Nietzsche un Directeur des Ressources Humaines ... un peu trop humaines.
Le collégien pourra aura l'occasion de "s'interroger sur les limites de l'open Space" ou sur "l'identité d'un PDG, Jean-Philippe ... Dieu, que personne ne voit", émaillant ce parcours initiatique, qui en fait, comme l'écrit le magazine Management (N° 215 - Janvier 2014), un "mélange de blagues potaches et de culture classique à prendre au 1er comme au 8ème degré", propre à "s'initier à la philo" ou "pour rire du quotidien au bureau".

Platon la gaffe, Survivre au travail avec les philosophesJul et Charles Pépin - Dargaud - 19,99 €.



lundi 31 mars 2014

"Mon oncle d'Amérique" : les thèses anthropologiques du Professeur Laborit dans un film d'Alain Resnais

En hommage à Alain Resnais, l'un des plus grands réalisateurs français, récemment disparu, Arte diffusait le 5 mars dernier l'un de ses films de référence, "Mon oncle d'Amérique". Caractéristique de l'esprit créatif du cinéaste, ce long métrage se situe à la frontière entre la fiction et le documentaire. Il débute par une présentation des personnages entrecoupée d'interventions du Professeur Henri Laborit portant sur les comportements des individus face à différentes situations, et comment ces attitudes sont dictées par les différents "cerveaux" de l'être humain. Le scientifique réapparaitra plusieurs fois au cours du film afin d'apporter son analyse sur les relations entre les différents protagonistes de la fiction, en illustrant ses propos par des expériences réalisées sur un rat enfermé dans une cage dont le plancher est soumis à des excitations électriques.
L'environnement professionnel et plus précisément le statut social des 3 principaux protagonistes serviront de support à Alain Resnais pour mettre en évidence les thèses anthropologiques du Professeur Laborit.
Roger Pierre interprète avec brio un haut fonctionnaire issu de la bourgeoisie et promis à une belle carrière, qui quittera femme et enfants pour une comédienne, Janine (Nicole Garcia), élevée dans le giron de sa modeste famille d'ouvriers, militants communistes. Il pensera trouver en elle la muse qui lui permettra d'écrire, mais retournera avec son épouse après que cette dernière ait manipulé la jeune actrice qui finira au sein du service Ressources Humaines d'un groupe textile. A cette occasion, elle croisera la route de René Ragueneau (Gérard Depardieu), catholique, originaire du milieu paysan que son frère et lui souhaitent ardemment quitter. Il deviendra directeur d'usine, mais peinera à supporter la pression, et sera sauvé du suicide grâce à l'intervention de Janine.
La chaine franco-allemande propose sur son site une excellente synthèse de ce film, dans laquelle figure cette citation du Professeur Laborit, qui pourrait résumer la réaction des salariés face à des situations professionnelles stressantes bien souvent induites par des comportement de domination : "Face à ce qui menace son existence, l'homme, lorsqu'il ne peut ni lutter ni fuir, répond par une attitude d'inhibition, explique Henri Laborit. Comme l'animal. Il développe un ulcère ou se suicide".

Et le neurobiologiste de conclure dans le film de Resnais : « Tant qu'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent et tant que l'on n'aura pas dit que jusqu'ici cela a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chance qu'il y ait quoi que ce soit qui change. »

dimanche 9 mars 2014

Harcèlement en entreprise dans la série "Boulevard du Palais" (France 2)

Boulevard du Palais est une série policière française diffusée depuis 1999. Elle met en scène des personnages récurrents, aux personnalités bien trempées, qui gravitent autour de la "petite juge" Nadia Lintz interprétée depuis l'origine par Anne Richard.
 Jean François Balmer, dans le rôle du Commandant de police judiciaire Rovère, devenu alcoolique suite à des accidents de la vie, est l'autre personnage principal. Il  est assisté de l'inspecteur Di Meglio (Philippe Ambrosini ) et d'un médecin légiste poète et philosophe à ses heures, Hannibal Pluvinage, dont les habits sont endossés par l'excellent Olivier Saladin. C'est lui qui au détour d'un échange donnera l'explication de l'intitulé du titre de cet épisode, "trepalium" qui désignait un engin de torture et dont le mot "travail" tire son étymologie. Car c'est dans le monde de l'entreprise que se déroule l'action de ce nouvel opus, avec pour point de départ, le suicide d'un cadre de TSA, Patrick Bello, qui adopte une manière originale, puisqu'il précipite l'automobile dans laquelle il a pris place contre un obstacle dans un atelier de bancs de tests de sécurité situé au sous sol de l'entreprise.
L'intrigue prendra un tour inattendu, puisque l'on découvrira finalement après un second suicide requalifié en homicide, que la dirigeante était en train de vendre l'entreprise qui compte 124 salariés à des concurrents allemands. C'est pour cette raison que, avec la complicité de son DRH, Chauvel, elle a "spolié" Bello d'un logiciel qu'il avait développé qui aurait pu entraver la cession. Le cadre, ne comprenant pas ce qui lui arrive glissera dans une spirale dépressive, bien entretenue par Chauvel qui ira jusqu'à le harceler, lui reprochant son poids, son âge  et même son hygiène en allant jusqu'à lui offrir du déodorant. Cette facette du harcèlement en entreprise semble la moins réaliste car la pression conduisant à une extrémité fatale est généralement plus sournoise. Elle est cependant assez bien décrite dans la première partie de l'épisode, notamment au travers des témoignages des différents personnages.
Son épouse d'abord, effondrée à l'annonce de la terrible nouvelle, qui se rendait compte que "son boulot le vidait de l'intérieur, on lui en demandait trop ou on ne lui demandait rien" ou son fils qui ajoute "il ne parlait pas de son boulot". Le discours du DRH est bien entendu teinté de mensonge, mettant le geste fatal du cadre sur le compte "d'une passe difficile, d'une inaptitude provisoire", mais l'entreprise ne lui en tiendra pas rigueur alors que "d'autres ne se seraient pas gênés pour le virer". Les dirigeants de l'entreprise évoquent aussi  "des difficultés dans le couple" ainsi que "des rumeurs de relation avec une fille", une des anciennes salariées, elle aussi victime de pressions, et qui avait été licenciée "pour abandon de poste", mais après qu'un mél d'insultes ait été adressé à sa patronne depuis son poste informatique. C'était en fait le résultat d'une première manipulation du DRH.
La position du médecin du travail est plus ambiguë. Il est d'abord difficile de comprendre où elle se situe physiquement, tant elle semble impliquée dans l'entreprise. Les permanences régulières qu'elle assure au sein de  l'établissement et qui génèrent cette impression sont très éloignées de la réalité. Elle expliquera "les troubles du sommeil" de Patrick Bello par la pression infligée par "la nouvelle stratégie de l'entreprise", et déplorera le manque de communication qui se traduira entre autres par le "remplacement de la machine à café par des cafetières individuelles disséminées dans les bureaux". A l'issue du premier décès elle sera bien sûr partie prenante de la cellule psychologique constituée avec Chauvel, un DRH décidément machiavélique qui introduira un logiciel mouchard dans le poste informatique de la thérapeute et qui fera aussi chanter sa patronne.
Les héros de la série de France Télévision ont sur ce petit monde un regard distancié mais peu critique, restant dans leur rôle. La" petite juge" rappellera la difficulté de "prouver le harcèlement" dans ce genre d'affaires, alors que Pluvinage confirmera les troubles du sommeil de Bello, qui "carburait aux calmants et somnifères". Le commandant Rovère se limitera à observer que le DRH "n'est pas submergé par les rendez-vous" mais la fille adoptive du policier montrera toute l'incompréhension dont souffrent les victimes de harcèlement car elle ne comprend pas que l'on puisse "se foutre en l'air parce qu'on est pas capable de dire non à un chefaillon".
C'est l'inspecteur Di Meglio qui sera le plus mordant, fidèle à son habitude, se lâchant d'un commentaire peu amène à l'attention du médecin du travail : "votre paie vient des cotisations patronales". La réalité n'est pas aussi simple, même si la médecine du travail est plutôt au service des employeurs, ce que les salariés ont du mal à comprendre. Ceux-ci se lamentent souvent du peu de profondeur des diagnostics des médecins du travail, mais ils ne doivent pas oublier que la mission de ces derniers lors des visites médicales n'est pas de contrôler la santé du personnel, mais de vérifier son aptitude. Dans le cas contraire, c'est le licenciement qui guette ...
En résumé, cet épisode reste assez réaliste,  seules quelques concessions imposées par le scénario nous éloignent des conditions réelles de l'entreprise, à l'exemple du comportement du DRH. Il rappelle sous certains aspects un épisode le la série "La crim" traité dans cet article de notre  blog ou "Seule", cet excellent téléfilm qui fait l'objet de l'article le plus lu de ce blog.


mardi 18 février 2014

Les métiers des pompes funèbres dans un film de Michel Delgado avec Didier Bourdon (2008)

Le film "Bouquet final", une fiction de Michel Delgado, traite d'un sujet sensible, les entreprises de pompes funèbres, et aurait pu facilement déraper. Il n'en est rien. Les différentes fonctions se cette activité méconnue et sensible sont abordées sous un angle sérieux, tout à fait crédible, même si l'on semble parfois à 2 doigts de la caricature. La dimension relationnelle, extrêmement importante dans ce métier, montre bien que ces entreprises avant tout "commerciales" pourraient profiter de la situation pour développer des ventes additionnelles (cross selling) ou des montées en gamme (upselling). Car le client, à qui il faut se garder de dire "au plaisir de vous revoir" ou "à bientôt" quand il prend congé, craint toujours de ne pas en faire assez pour le proche défunt. D'autres pratiques, moins glorieuses, sont à peine montrées, elles concernent plutôt des luttes entre concurrents ou des aspects juridiques.
Michel Delgado, le réalisateur, a su restituer toute la subtilité de la profession : à la fois confidents et commerciaux, parfois techniciens, comme la spécialiste de la thanatopraxie, interprétée avec justesse par Valérie Bonneton, les salariés maîtrisent l'art funéraire mais aussi celui du marketing.
La relation à la mort, que l'on imagine une compétence comportementale particulière dans ce métier est présente mais sans excès. Les deux principaux rôles font preuve à ce titre d'une grande sobriété que l'on doit au talent des deux acteurs : Didier Bourdon et Marc-André Grondin.


dimanche 16 février 2014

Surveillance et nettoyage dans un hypermarché en Uruguay : Gigante, un film de Adrian Biniez

Dans le monde des services annexes à la grande distribution, comme la sécurité ou le nettoyage, les conditions de travail sont similaires quel que soit le pays. Pour preuve, Gigante, ce film de 2009 du réalisateur argentin Adrian Biniez qui raconte une histoire d'amour naissante entre un vigile Jara, assigné à la surveillance video d'un hypermarché, et Julia, l'une des agents de l'équipe de nettoyage qui intervient la nuit dans le magasin. Gauche et maladroite, elle renversera une pyramide de rouleaux d'essuie-tout ou cassera un bocal, ce qui attirera la curiosité du jeune homme qui viendra à son secours et couvrira les chapardages des autres femmes de ménage, du moins tant qu'ils se limitent à des produits de première nécessité.
Sur l'exercice des deux métiers, la sécurité et l'entretien dans la grande distribution, les conditions à Montevideo sont très proches de ce que nous connaissons de ce côté-ci de l'atlantique : des horaires contraignants, le peu de considération des supérieurs, les brimades, la pression, des salaires réduits... Jara est même obligé de cumuler un second emploi de videur dans une boîte de nuit.
La relation sentimentale entre les deux employés se dénouera sur fond de conflit social, puisque, malgré une pétition lancée par les salariés, des suppressions de postes affecteront le personnel, dont celui de Julia, ce qui lancera son prétendant dans une explosion de colère, qui le fera renverser les produits de rayons entiers.
Ce film est à rapprocher de Mariline de Mehdi Charef, ou de "Surveillance" le téléfilm de France 2 tous deux traités dans ce même blog. Diffusé en janvier 2013 sur Arte que l'on peut remercier de nous proposer ce type de films rares, il a fait l'objet d'un article détaillé sur le site du Monde, et a obtenu l'ours d'argent aux Berlinades 2009.