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dimanche 2 mars 2025

L'emploi précaire dans l'après-guerre en Italie dans le film "Deux sous d'espérance" de Renato Castellani (1952)

"Due soldi di speranza" (Deux sous d'espoir) constitue le dernier volet d'une trilogie du réalisateur italien Renato Castellani. Distribué en 1952, il pourrait figurer un archétype du cinéma néo-réaliste transalpin puisqu'il montre largement la vie d'après guerre dans ce pays où la population a souffert du fascisme, puis de l'invasion nazie et enfin de la libération opérée par les alliés. Aucune référence à la guerre ou à la politique, excepté quelques rares scènes où le principal protagoniste, Antonio (Vincenzo Musolino), se rend la nuit à Naples pour aider les communistes locaux à coller des affiches afin de compléter sa maigre rémunération d'assistant bedeau dans le village de Cusano où il vit difficilement depuis sa démobilisation. Il perdra cette charge quand le prêtre aura vent de cette activité, ce sera toutefois la seule confrontation à distance entre l'église et le communisme.

Sous l'angle du monde du travail l'intérêt principal de ce film réside dans la vision qu'il offre de la façon dont la population masculine, essaie de s'en sortir, par le travail, ou par des expédients, sans tomber dans le trafic ou l'illégalité, même si, excepté peut-être celui du Parti Communiste, la plupart des emplois ne sont certainement pas déclarés. Mais nous n'aurons indication à ce sujet pour aucuns d'entre eux. 

Afin de constituer un trousseau pour sa sœur, déshonorée par un vieux célibataire, mais aussi pour demander la main de Carmela (Maria Fiore) à son père, avec peut-être l'espoir d'intégrer l'entreprise familiale florissante de fabrication de feux d'artifices, Antonio remplira d'abord des bouteilles de limonade pour le compte d'un débit de boisson du village, vendra des légumes sur le marché, puis gagnera quelques pièces en assistant les cochers dont les calèches peinent à grimper la montée qui ponctue le trajet entre la gare et le bourg. A ce moment, il aurait dû occuper le poste de chauffeur de bus de la compagnie créée par ces mêmes cochers sous forme de coopérative dans le but de contrer les plans du Maire qui envisageait de mettre en place un service régulier de transports en bus. L'entreprise prendra fin avant même d'avoir commencé en raison du manque d'entente des associés. 

Antonio sera donc successivement assistant du bedeau et colleur d'affiches puis coursier pour les propriétaires de 3 cinémas, parcourant les rues de Naples à bicyclette pour livrer les bobines de films, une scène qui fait immanquablement penser à "Nuovo Cinema Paradiso" film beaucoup plus récent de Giuseppe Tornatore. Il s'attirera les faveurs de la mère de famille puisque, en plus de son travail, il fait don de son sang pour favoriser la croissance de son garçonnet. Ce qui lui permettra d'accéder au titre de projectionniste, enfin un vrai métier, qu'il perdra aussitôt à cause de sa promise, aussi amoureuse qu'écervelée. 

Dans cette période d'après-guerre telle qu'elle est dépeinte ici dans le sud de l'Italie, la région Campanie, pour être plus précis, le fait marquant est le manque cruel de travail et donc de ressources pour les familles. Les hommes se présentent chaque jour devant la grille d'enceinte de l'église et passent là une partie de la journée à attendre un hypothétique emploi, préférant parfois refuser un travail peu intéressant et pas beaucoup plus rémunérateur que les indemnités chômage, puisque le système a le mérite de déjà exister.  Les emplois proposés, quand ils existent, sont ceux de manoeuvre, peu payés et peut-être rarement déclarés.


samedi 9 mars 2024

Les métiers de la restauration et des traiteurs dans le film "Le sens de la fête" de Olivier Nakache et Eric Toledano

Si les français disposent du sens de la fête comme l'évoque un indien au milieu de cette comédie humaine, il faut  reconnaître à Éric TOLEDANO et Olivier NAKACHE la capacité de caricaturer les individus et leurs fonctions. C'est à nouveau dans ce film, Le sens de la fête. Souvent drôles et sans jamais tomber dans la caricature, ils arrivent à portraitiser cette galerie de métiers de la restauration dans le cadre d'une activité de traiteur. 

Le patron, c'est Jean-Pierre BACRI, excellent comme toujours, qui doit orchestrer une prestation au pour le compte d'un couple le jour de leur mariage. C'est l'occasion d'observer les différents métiers de cette profession, essentiellement du côté du service, parfois de l'animation et rarement de la cuisine. D'autant plus que les facéties d'un extra embauché au dernier moment, incapable et stupide, ruine une partie du repas.

Dans ce film, la vision des métiers et compétences de ce secteur d'activité n'est pas très large et profonde, il en donne cependant un bon aperçu au titre des enjeux et contraintes, essentiellement liées à la gestion du personnel. Les difficultés de recrutement, par exemple, ou l'aspect social avec des extras pas toujours déclarés, et des exigences en matière de relation avec les clients. Les normes d'hygiène et de sécurité alimentaires sont également perceptibles, à l'occasion donc de l'une des turpitudes du nouvel embauché.

En résumé, un film divertissant avec une découverte de ce secteur confronté à des difficultés de recrutement.

La bande annonce du film :

lundi 11 avril 2016

Un débat sur "Le monde du travail au théâtre" dans le cadre de "La Grandes escale des tréteaux" le 19 juin 2016.

Dans le cadre du festival théâtral "La Grande escale des Tréteaux" qui se tiendra du 26 mai au 2 juillet 2016 au Théâtre de l’Épée de Bois - Cartoucherie (Paris 12e), Les Tréteaux de France, une compagnie dirigée par Robin Renucci, propose un débat sur :

 "Les représentations du monde du travail dans la création théâtrale d'aujourd’hui".

Il se tiendra le dimanche 19 juin à 16 h avec la participation de Guy Alloucherie - Alexandra Badea - Dominique MédaChristophe Moyer -Joël Pommerat et, sous réserves, Robin Renucci, et devrait être animé par Sylvie Martin-Lahmani d’Alternatives Théâtrales (Belgique, sous réserve).

Une information transmise par l'excellent blog Théâtre & Monde du Travail.

Le communiqué des Tréteaux de France à retrouver sur le site de la compagnie :
Depuis longtemps le théâtre s’intéresse au Travail comme source d’inspiration. Mais à l’heure où le modèle mondialisé montre des signes de profondes mutations, le théâtre peut-il contribuer à promouvoir de nouvelles formes de travail? Avec les artistes et penseurs invités, les Tréteaux de France souhaitent réfléchir à la création artistique comme force de renouvellement et aux possibles vertus de l’intermittence en tant que modèle d’organisation du travail.

samedi 19 mars 2016

Le licenciement dans un tube du chanteur italien Luciano Ligabue : Non ho che te (2015)

Notre Schmoll national avait décrit avec une grande justesse le désarroi vécu par un cadre victime de la perte de son emploi, (voir notre article : Les effets de la crise économique dans les années 1970 : "Il ne rentre pas ce soir", une chanson d'Eddy Mitchell). Le ton en est si juste que, récemment, au cours d’une émission diffusée sur France 3 consacrée à son compère (Eddy Mitchell Itinéraires), Jacques Dutronc déclarait qu’Eddy Mitchell n’avait pas besoin de pousser sa voix pour interpréter cette chanson. Un titre qui exprime aussi le sentiment d’inutilité frappant un homme dans une société misogyne où le « mâle » a depuis toujours pourvu aux besoins du foyer. Dans un pays tout aussi teinté de machisme que le nôtre, l’Italie, c’est le chanteur très populaire LucianoLigabue qui communique avec autant de force et d’acuité la détresse subie par un homme dans la force de l’âge à qui l’on annonce du jour au lendemain, qu’il a perdu son travail : hanno detto avete perso il posto (di lavoro). Si ce salarié qualifiait son job d’infect (infame), il le respectait néanmoins, l’ayant toujours appelé « son travail » (l’ho chiamato sempre il mio lavoro), et s’il fait un parallèle avec l’enfer, c’est bien au moment de son licenciement qu’il plonge dans l’abîme.
Il ne manque pas d’évoquer quelques éléments pragmatiques, liés à son âge ou à des considérations financières : l’âge de départ à la retraite qui augmente (ci han spostato sempre un po più avanti la pensione) et la banque, où « ils sont gentils mais ne veulent rien donner … la même gentillesse que le serpent » (in banca son gentili ma non mi danno niente la stessa gentilezza del serpente). Et les jours passent, interminables (i giorni sono lunghi, non vogliono finire), pendant que le syndicat appelle à une nouvelle mobilisation pour ceux qui restent (il sindacato chiede un’altra mobilitazione per quelli che ci sono ancora dentro). Et puis, sans que ce soit  une consolation, le patron ne semble pas être au mieux : les yeux gonflés, la chemise froissée, quand il rencontre son ancien salarié, il détourne le regard, les yeux vides, la barbe négligée (ho visto il titolare aveva gli occhi gonfi, la giacca da stirare mi ha visto, si è girato, stava male aveva gli occhi vuoti, la barba da rifare).
Comme dans la chanson d’Eddy Mitchell, le plus pénible, c’est  l’impression d’inutilité, le sentiment de culpabilité exprimé par un refrain scandé à l’adresse de la compagne de ce « disoccupato » : je te demande pardon si je t’offre aussi peu (ti chiedo scusa se ti offro così poco), je te demande pardon si je ne te donnerai pas assez, je te demande pardon si je te demanderai de la patience (ti chiedo scusa se non ti darò abbastanza ti chiedo scusa se ti chiederò pazienza). Un refrain qui finit par une imprécation afin de ne pas être abandonné, qui donne son titre à la chanson du rocker transalpin : je n’ai que toi, je n’ai que toi (non ho che te).
Tout autant que « Il ne rentre pas ce soir », la musqiue de « non ho che te » n’a rien d’un blues mais bénéficie d’un rythme enlevé qui renforce le réalisme d’un texte dont la mise en image du clip est particulièrement bien adaptée.

Pour aller plus loin : le texte intégral de la chanson


mercredi 10 février 2016

L'exploitation de carrières dans les îles Éoliennes dans "Vulcano" un film de William Dieterlé (1950).

La genèse de Vulcano est déjà à elle seule toute une histoire, intimement liée à celle du maître Rossellini, et de l’actrice Anna Magnani comme l’explique Telerama dans cet article. C’est la grandissime tragédienne que l’on trouve dans le rôle principal de ce drame réalisé en 1949 par William Dieterle qui raconte le retour d’une femme sur son île natale, assignée à résidence après s’être prostituée sur le continent, et qui souffrira de l’hostilité de la population. Magdalenna luttera pour éviter que sa jeune sœur, Maria, ne subisse le même sort qu'elle et ne tombe dans les griffes d’un souteneur.
Elle cherchera à subsister en travaillant, à cette occasion nous pourrons observer le travail dans une mine. Si un dialogue dans le film fait allusion au ramassage de pierres ponces, il s’agit plus vraisemblablement ici d’une carrière de souffre, ce qui  semble logique en raison du caractère volcanique de l’ile. Cet environnement peut être rapproché des images d’un autre film, "Fils de personne", qui lui se déroule dans une exploitation de marbre dans la région de Carrare.

Dans Vulcano, les scènes qui se déroulent dans la carrière montrent les hommes, positionnés au sommet de la montagne, qui à l'aide d'un pic, font tomber la poussière de roche ou le sable que les femmes chargent dans des wagonnets dont le contenu est ensuite vidé dans le précipice qui domine la mer. Les conditions de travail sont pénibles, accentuées par le soleil brûlant, la pause déjeuner est donc la  bienvenue. Elle est annoncée par le chef de chantier qui la sonne à l’aide d’un gros coquillage qui fait office d’olifant. Les ouvrières vont alors récupérer les panier-repas qu’elles ont apportés le matin, tandis que leurs collègues masculins dévalent la pente de la montagne en glissant harmonieusement sur leurs deux pieds, tels des skieurs, changeant de direction ou se freinant en plantant élégamment derrière eux leur outil.

mercredi 2 décembre 2015

L'Italie au travail dans un livre de photos de Gianni Berengo Gardin (Editions La Martinière)

La photographie n'est pas absente des arts qui immortalisent le monde du travail. Bien que l'image soit figée, elle nous renseigne assez précisément sur le contexte dans lequel s'exercent les métiers et les professions au fil du temps. L'oeuvre de l'italien Gianni Berengo Gardin en constitue un exemple probant. Dans le livre publié par Les Editions de La Martinière il y a quelques années (2005 ?), le monde du travail apparaît dans plusieurs des chapitres de ce très beau volume.


C'est le plus logiquement dans la partie "Travail" que l'on voit des scènes de travaux des champs, telles la récolte des olives en Italie ou les moissons, mais aussi des photos représentant des ouvriers sur des chantiers navals, apparemment en train d’exécuter des opérations de maintenance. Un autre cliché montre un groupe d'hommes se dirigeant en ordre dispersé vers les grues d'un port de commerce, peut-être à l'issue du déjeuner. D'autres images représentent des scènes se déroulant dans les gares ferroviaires. Sur deux photos différentes, c'est l'artisanat qui est mis à l'honneur puisque l'on voit des miches de pain disposées sur des planches, portées par des personnes, dans la rue ; certainement des livreurs. et peut-être en forme de clin d’œil, c'est aussi un photographe ambulant qu'il est loisible d'observer au premier plan d'une prise de vue, tenant dans les mains un appareil en piteux état, alors qu'à l’arrière plan, un écolier en blouse, peut-être son dernier modèle, semble s'échapper sur le trottoir.
Dans la partie "A Venise", on peut voir un facteur arrêté sur la route devant son vélomoteur ou encore des dockers manipulant de lourds câbles destinés à amarrer les bateaux aux bittes du quai, mais aussi des artistes de cirque à l'échauffement, une femme soignant un cheval, des boxeurs, ainsi que des opérateurs de fabrication à l'oeuvre sur des chaînes mécanisées. Le plus surprenant et le plus réaliste réside dans une photo qui montre un policier en civil en train d’arraisonner un malfrat allongé au sol sous l’œil d'agents en uniforme, en pleine rue.
Le chapitre "Femmes", tout logiquement, permet de contempler des ouvrières agricoles au travail ou des femmes dont on ignore le statut, salariées ou épouses d'agriculteurs, qui disposent des écheveaux de fibres sur des tréteaux pour les faire sécher au milieu de la rue d'un village.
Les relations au monde du travail dans le chapitre "Empathie" se limitent à deux scènes de manifestations de rues, menées par ceux qui semblent des ouvriers, dont certains affichent une banderole sur laquelle est inscrite le slogan "No alla cultura dei padroni", c'est à dire "Non à la culture des patrons". Quant à la partie "Paysage", une vue laisse imaginer deux sauniers (ou saulniers) marchant au bord d'un marais salant, portant sur l'épaule leur outil servant à récolter le sel.
C'est très naturellement, du moins chronologiquement, dans la dernière partie du livre, "Vie de province" que Gianni Berengo Gardin nous dépeint la fin de la carrière. Ce sera sous la forme d'un groupe d'hommes âgés, tous revêtus d'un couvre-chef, chapeau ou casquette, assis face au photographe, tournant le dos à l'entrée d'un local au fronton duquel est inscrit "Societa operaia" (société ouvrière). Ce qui laisse penser que ce sont les membres d'un cercle de retraités d'une Société de secours mutuel, comme il en existait beaucoup en Italie. qui se retrouvent quotidiennement pour bavarder, jouer aux cartes, ou passer le temps.

dimanche 10 février 2013

Un téléfilm allemand sur le harcèlement au travail sur Arte


Nonobstant les différences culturelles existant entre nos deux pays, à l’instar de la France, l’Allemagne est également touchée par le problème du harcèlement au travail. Le mal être que subissent les salariés en entreprise ne devrait donc rien à notre tempérament latin, c’est le premier enseignement de ce téléfilm d’outre Rhin sobrement intitulé « Harcèlement » (Mobbing), diffusé récemment sur Arte dans le cadre d'une soirée Thema.
L’histoire narre la lente déchéance professionnelle d’un cadre d’un service culturel d’une municipalité allemande, marié et père de deux enfants. Le scénario est plutôt bien ficelé, la pression monte progressivement, bien que dans la réalité l’évolution de ce genre de phénomène soit plus sournoise. Ici, les événements sont prévisibles, de l’annonce de l’arrivée d’une nouvelle responsable de service, au simulacre de réintégration du principal protagoniste après son licenciement pour faute lourde, en passant par le départ d’un collègue que Jo  prendra comme une véritable trahison.
Les symptômes décrits  sont assez caractéristiques de cette situation : perte d’estime de soi et  dépression qui entraîneront alcoolisme, violence conjugale, verbale et même physique exacerbée par l’incompréhension d’Anja, l’épouse de Jo. Elle fait pourtant preuve d’une extrême lucidité. En parlant par exemple de la responsable tyrannique que l’on ne verra jamais, en ces termes : « Elle ne vous voit pas comme une menace ? ». Ce qui rappelle immanquablement le syndrome du « petit chef ».
Comme l’écrit Isabelle Poitte dans Télérama, « l’agresseur n’a pas de visage » ce qui accentue l’impression d’impuissance de la victime. La parti pris de montrer la déchéance depuis la cellule familiale et essentiellement au travers du regard de l’épouse peut rappeler dans un autre contexte la position de Brigitte (Barbara Schulz) dans un autre téléfilm, français cette fois, « Seule » dont nous avons parlé dans cet article, l’un des plus consultés de notre blog.

"Harcèlement" de Nicole Weegman (Mobbing, Allemagne - 2012) avec Susanne Wolff et Tobias Moretti.

mardi 15 janvier 2013

Cinéma : Mammuth, pas une retraite de réussie pour Depardieu avant sa retraite de Russie

Avant sa retraite en Russie dont la presse s’est fait largement l’écho, Gérard Depardieu était à l’affiche d’un film qui ne traitait pas du monde du travail, mais de la fin de carrière, et donc du départ à la retraite. Bien que réalisé par les fantasques auteurs de Groland, la mythique émission de Canal +, le sujet de la retraite est abordé dans un premier temps sobrement, bien servi par un Gérard Depardieu dans le rôle de Serge Pilardosse, ouvrier des abattoirs, et Yolande Moreau, qui joue son épouse, elle-même employée de grande surface. Les premières scènes apparaissent très réalistes, les gestes de Pilardosse maniant la scie ou le couteau pour couper la viande sont précis, les situations vécues par son épouse dans le supermarché qui l’emploie sont plausibles, comme par exemple le stress généré par sa peur de « finir » au rayon poissonnerie.
Le départ à la retraite de Pilardosse reste crédible et en rien caricatural, n’était-ce la teneur du cadeau qui lui est remis à cette occasion, un puzzle, et le fait que le bénéficiaire ignore en tout point ce qu’il va percevoir.  Dans la réalité, le salarié demande une situation au regard de la retraite à la CARSAT (ex-CRAM) ce qui détermine son choix de faire valoir ses droits ou pas.
Notre principal protagoniste se retrouve dans une situation compliquée puisque ses anciens employeurs ne l’ont pas tous déclaré et versé les cotisations correspondantes aux caisses de retraite obligatoires ou complémentaires. La quête de ses points de retraite sera l’objet d’un road movie qui l’ emmènera sur la route de son passé au travers de scènes surnaturelles dans lesquelles les réalisateurs, Benoît Delépine et Gustave Kervern laissent libre cours à leur imagination, dans l’esprit des Groland.

dimanche 21 octobre 2012

Les états d’âme d’un cadre commercial des années 50 dans "La modification" de Michel BUTOR


Dans ce roman de 1957 écrit par Michel BUTOR pour lequel il obtint le prix Renaudot, la profession du principal protagoniste n’est qu’un prétexte. Celui de voyages réguliers entre Paris et Rome où se trouve le siège de la Scabelli, la firme de machines à écrire dont notre personnage est le responsable commercial pour l’hexagone. L’ensemble du récit qui se déroule dans le train lors d’un voyage entre les 2 capitales sera l’objet d’une longue réflexion sur l’issue d’une relation que Léon Delmont entretient avec Cécile, une jeune italienne. Partant de la gare de Lyon avec la ferme intention de lui annoncer qu’il “l’installera” à Paris pour vivre avec elle, abandonnant femme et enfants, le voyage jusqu’à Stazione Termini l’amènera  à modifier ses desseins comme l’indique le titre de ce livre.
Sur son métier nous n’apprendrons que peu de choses, si ce n’est qu’il rencontre des clients à l’occasion de repas d’affaires et qu’il visite ses commerciaux disséminés sur le territoire français. Ce que l’on peut noter toutefois, ce sont ses états d’esprit, à l’occasion de rares passages, comme par exemple page 145 (editions de Minuit Coll. “Double” 1980) :
“... parce que chaque fois plus amère encore la différence s’affirmait entre cette vie plus libre et plus heureuse dont l’air romain vous avait donné l’espérance, et l’oppression, la charge parisienne sous laquelle elle s’enfonçait, parce que chaque fois vous lui apparaissiez vous trahir un peu plus vous même à Paris dans cette occupation de plus en plus fructueuse finacièrement, encore que celà ne dapassa point, certes des limites fort contraignantes et dont vous vous efforciez de plus en plus de vous cacher l’absurdité, abandonnant à chaque fois, à chaque relation commerciale que vous invitiez à dîner, un peu plus de votre fierté et de votre sens ancien, prenant peu à peu leurs rires bas, leurs lieux communs moraux ou immoraux, leurs expressions pour désigner les employés, les concurrents, la clientèle, vous avilissant, vous aplatissant devant ce système qu’autrefois vous ne faisiez au moins que pactiser, dont vous pouviez vous détacher au moins en paroles, et puis pendant un certain temps, au moins dans vos paroles avec elle (Henriette, son épouse), vous y livrant maintenant un peu plus aveuglément chaque fois en prétendant toujours que c’atait à cause d’elle, que c’était pour qu’elle pût être mieux installée, avoir ce bel appartement, pour que les enfants fussent mieux habillés, pour qu’elle neût rien à vous reprocher comme lui disiez autrefois, avec ironie au début, vous éloignant de plus en plus de vous et d’elle.”
Plus loin, Léon semble reconnaître sa jeunesse en la personne d’un passager du train qu’il appelle Pierre, et qui voyage amoureusement avec une jeune femme que notre cadre commercial baptise Agnès. C’est en adoptant ce parallèle et avec une réflexion sur le temps qui passe et le sens de la vie qu’il exprime à nouveaux ses états d’âmes (page 192, même édition) :

« Dans dix ans que restera-t-il de vous, de cette entente, de cette joie qui nie la fatigue, qui en fait une délicieuse liqueur que vous commencez déjà à savourer. Qu’en restera-t-il lorsque les enfants seront venus, lorsque vous Pierre, vous aurez avancé dans votre carrière peut-être aussi stupide que la mienne ou pire, lorsque vous aurez sous vos ordres quantités d’employés que vous paierez trop peu parce qu’il faudra bien que la boîte marche et que, vous, ce n’est pas la même chose, lorsque vous aurez cet appartement dont vous rêvez, quinze place du Panthéon. »
Au passage, on aura pu relever, déjà à l’époque, l’emploi avec un sens péjoratif de l’expression « boîte » pour désigner l’entreprise.

dimanche 30 septembre 2012

Marie-Line un film de Mehdi Charef : Muriel Robin chef d'équipe dans le nettoyage industriel


Ce n'est pas un rôle comique qu'interprète Muriel Robin dans Marie-Line, mais bien un personnage dur, confronté à des "injonctions contradictoires", comme on dirait dans le monde réel du  travail. car au fond, Marie-Line n'est pas si méchante, et même humaine, elle le montrera dans quelque occasion. Mais pour avoir un emploi de chef d'équipe dans un équipe chargée du nettoyage d'un supermarché la nuit, elle doit jongler avec les compromis mais aussi faire face aux injonctions contradictoires comme on les rencontre dans le monde réel du travail. Prendre une carte du Front National, par exemple,  pour satisfaire ses employeurs, et en conséquence se faire traiter de raciste, rudoyer ses collègues d'origine étrangère en situation irrégulière, toujours sous la menace d'une descente de police. Et en tant que chef d'équipe, s'assurer que le travail est fait correctement, assumant ici la fonction de "petit chef", pris entre le marteau et l'enclume, tel que le définit Maurice Thévenet dans son livre "Quand les petits chefs deviendront grands".
Le film de Mehdi Charef n'est pas sans rappeler Bread and roses de Ken Loach, déjà traité sur ce blog (voir cet article). Les deux fictions traitent des problèmes de travailleurs immigrés en situation régulière, dans un secteur d'activités identique, le domaine du nettoyage, mais l'oeuvre du maître britannique se veut plus politique, voire militante.


samedi 25 août 2012

"Un homme jetable" de Aude Walker obtient le prix du Roman social


C'est en juin dernier que l'AFPA (Association pour la formation Professionnelle remettait son 1er prix du roman social. Une distinction qui honore "Un homme jetable" (Editions du moteur) oeuvre d'une jeune auteur, Aude Walker, 31 ans. Son livre raconte le parcours d'une jeune homme de 20ans qui sillonne la France pour réaliser des missions d'interim au sein de différentes centrales nucléaires. La coprésidente du Jury, Joy Sorman, romancière, a salué le "travail romanesque" de l'écrivain, tout en soulignant que te texte "donne à voir une réalité sociale assez méconnue: le travail dans une centrale nucléaire". De son côté Aude Walker a apprécié cette récompense qui pour elle, constitue "un magnifique écho à la volonté de casser ce réflexe très français, qui consiste à ne pas laisser le roman et la littérature se mêler de la société".
Le comité de lecture de ce tout nouveau prix littéraire était composé d'une centaine de professionnels de la formation et de personnes en formation à l'AFPA, dont le directeur, Philippe CAÏLA estime que cet organisme "est légitime à susciter un prix sur le roman social".

Sept ouvrages récents ont été soumis au jury coprésidé par Claude Alphandéry, président d'honneur du Laboratoire de l'Economie Sociale et Solidaire, et Martin Hirsch, président de l'Agence du Service Civique.
Toutes les informations concernant ce Prix du roman social sont disponibles sur le site prixduromansocial.com.
 


mardi 17 juillet 2012

Le travail dans la chanson française, quelques morceaux choisis


Dans la chanson d’expression française, le travail est plus une source de lamentation que de satisfaction. Dans une chanson popularisée par Julien Clerc ou reprise entre autres par Alpha Blondy, le chanteur cajun ZacharyRichard préfère adopter une vie de bohème car « Travailler c’est trop dur et voler c’est pas beau ».  Plus récemment, le groupe Pink Martini nous avouait «  je ne veux pas travailler … », un titre écrit à partir du texte « Hôtel » de Guillaume Apollinaire, ce qui peut expliquer le côté « rétro » de l’interprétation. Dans un registre plus populaire, Henri Salvador nous enseigne ironiquement en 1965, que « le travail c’est la santé » mais que « ne rien faire, la conserver ». Si la chanson n’est pas d’une grande portée philosophique, elle aborde cependant la question de l’intérêt de sacrifier une vie entière au labeur pour finalement ne pas en profiter, et fustige aussi le stress des hommes d’affaires. Dans une approche similaire, Gérard Rinaldi, récemment disparu, compose en 1971 avec Luis Rego le fameux « Merci patron » interprété par leur célèbre groupe Les Charlots. Cette fois, les ouvriers remercient leur employeur de leur permettre de souffrir, ils s’avouent honteux de lui prendre de l’argent en contrepartie, et vont même jusqu’à lui proposer d’inverser leurs rôles.
Enfin, et si la relation au travail est moins flagrante, on pourra noter le « Poil dans la main, payé à rien foutre » de Jacques Higelin qui dans ce texte encourage au farniente plus qu’à s’élever contre le travail en lui-même.
Quelques extraits :
Travailler c’est trop dur (interprétée par Zachary Richard)


Zachary Richard - Travailler c'est trop dur par RollingPat

Merci patron (Les charlots)

Les Charlots - Merci patron par Salut-les-copains



Le travail dans la chanson avec La Cité des Sciences et le Hall de la Chanson


L'origine ou la raison ne sont pas clairement identifiés, mais la Cité des Sciences et Le Hall de la chanson se sont associés pour proposer une page contenant, selon leurs termes "un florilège d'oeuvres musicales évoquant les liens entre chansons et travail". Une sélection intéressante à retrouver à cette adresse.