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samedi 9 avril 2016

Au cœur d’une imprimerie et d’une blanchisserie dans « Le crime de Monsieur Lange » de Jean Renoir (1936)

Le crime de Monsieur Lange c’est avant tout un drame, qui finira donc tragiquement, du moins pour l’un des personnages de cette fiction de Jean Renoir de 1936. C’est aussi la vie quotidienne d’une arrière-cour parisienne située au milieu d’immeubles occupés par des entreprises, au rez de chaussée, ou par des locataires dont certains, d’ailleurs, travaillent dans la blanchisserie ou la maison d’édition où se déroulera l’essentiel de l’action. Nous ne nous attarderons pas plus longtemps sur cette trame qui verra un employé modèle, auteur de romans d’aventures à ses heures, assassiner un patron machiavélique, séducteur, manipulateur, magistralement interprété par Jules Berry, qui spoliera tour à tour ses salariés, ses fournisseurs et qui ira jusqu’à usurper l’identité d’un prêtre mort au cours d’un accident ferroviaire dont lui-même, alors en fuite, réchappera.
Car Le crime de Monsieur Lange c’est surtout l’atmosphère des ateliers d’imprimerie ou des bureaux de l’éditeur puisqu’à l’époque les deux fonctions sont cumulées, où les ouvriers ou employés évoluent dans un esprit de franche camaraderie qui les conduira à créer une coopérative, l’ancêtre des SCOP, dans un climat qui fleure bon le Front Populaire.
C’est le même esprit qui prévaut au sein de l’atelier voisin des blanchisseuses, les jeunes femmes semblent heureuses de leur sort, évoluant au milieu du linge tout en bavardant et jonglant avec les fers en fonte qu’elles approchent de leur joue pour en vérifier la température.
Ce n’est pas un hasard si ce film coïncide avec le début de la collaboration du maître avec le Parti Communiste Français dont l’un des points culminants sera la réalisation de La bête humaine en 1938, comme l’explique Antoine Rensonnet dans son excellent blog De son coeur le vampire.

Pour aller plus loin : un extrait du film ... sous titré en espagnol !



mardi 26 mai 2015

Des salariés transforment leur entreprise en SCOP dans la pièce de théâtre "Mécanique instable"

L’entreprise sert régulièrement de cadre à des œuvres de théâtre (voir sur ce blog ). Dans cette pièce de Yann Reuzeau, elle y occupe un rôle central, faisant même l’objet d’une transformation au cours de son déroulement. Afin de nous immerger rapidement au cœur de cette PME, les acteurs déambulent sur scène avant même le lever de rideau. Ce sont les collaborateurs des services commerciaux et administratifs de cette société qui intègre également une partie "production" qui sera figurée par l’apparition régulière de la chef d’atelier, vêtue d’une blouse bleue, qui fait aussi office de « syndicaliste de service ». Ses collègues, fidèles aux codes de l’entreprise de la fin du 20ème siècle se serrent la main pour se saluer et portent sous le bras des chemises cartonnées. Ils tiennent entre les doigts un gobelet de plastique provenant de la machine à café certainement placée dans un des couloirs menant aux bureaux, qui, par choix du metteur en scène, sont figurés par des plateformes carrées encadrées en leurs angles par des piquets de fer, faisant penser à de petits rings de boxe dont on aurait ôté les cordes. L’activité de l’entreprise dont nous allons suivre l’évolution sur une vingtaine d’années n’est pas clairement définie, la seule information qui nous est donnée est le nom du produit phare, le « MacGuffin», référence faite au maître Hitchcock.
Un événement lance l’action : contre toute attente, le jeune dirigeant annonce qu’il va céder sa société à l’un de ses concurrents. Les salariés en profitent pour la racheter et la transformer en SCOP (Société coopérative et participative), une forme juridique dans laquelle ce sont les salariés qui en sont les associés, donc les propriétaires. Elle reprendra son organisation originale à la fin de la pièce après avoir rencontré un franc succès, traversé la crise, mais aussi, essuyé un incendie. L’intérêt de « Mécanique instable » est de montrer la réaction des différents personnages devant des  situations et leur évolution en fonction des événements. La peur d’un avenir incertain, l’inquiétude, la déception, ou l’indignation face à ce qu’ils considèrent comme une trahison pour certains qui sont devenus les amis de leur patron. Puis l’intérêt et la curiosité, la motivation quand une des salariées propose de reprendre l’entreprise sous forme d’une SCOP. Puis la lâcheté voire la cruauté  quand il s’agit de licencier un « collègue-associé ». L’ambition et l’opportunisme dont ne manquera pas de démontrer une intérimaire de la comptabilité qui arrivera jusqu'au sommet de la hiérarchie.
Dans le registre des conditions de travail, la plupart des situations rencontrées dans le monde de l'entreprise sont évoquées : la maladie, les pathologies plus graves et les arrêts de longue durée, le stress voire le burn-out, les difficultés à concilier vie de famille et travail, l’opposition entre « les ateliers et les bureaux », la discrimination, l’atteinte du seuil d’incompétences et la quête du sens dans le travail exprimé par des commentaires comme « travailler c’est juste un moyen mais on y passe les ¾ de sa vie ».
Si des éléments stratégiques sont également abordés, comme la nécessité « d’augmenter la production pour permettre l’exportation », il est aussi question d’obsolescence programmée, c’est sur l’approche du statut de SCOP que cette pièce est la plus remarquable. Particulièrement bien documentée, elle en intègre toutes les dimensions. Sur l’aspect structurel, en expliquant que les « salariés-actionnaires » sont propriétaires de leur outil de travail, qu’ils prennent part aux décisions de l’entreprise et se partagent les bénéfices de l’activité ou décident de les réinvestir pour en favoriser le développement. Sur le plan humain, les interrogations ou les commentaires des salariés semblent plausibles ; « on paie pour travailler ? » se demande un cadre quand on lui propose d’acheter des parts de l’entreprise, pendant que les ouvriers hallucinent car « ils seront les patrons des cadres » ou qu’ils jubilent en s’apercevant qu’ils cumulent salaire et dividendes dans la période la plus faste de leur société : « on a gagné au loto ! ».
Ils seront confrontés à des décisions qu’ils n’avaient pas envisagées, comme de choisir un gérant pour leur structure ou de devoir licencier le commercial, un de leurs collègues-associés, provoquant une lutte des clase au sein de la SCOP . Cette aventure sera aussi l’occasion de révéler les personnalités et les valeurs cachées, plus ou moins nobles des différents personnages. Une secrétaire, par exemple, se lancera avec passion dans le projet et finira par rejoindre l’URSCOP, l’Union Régionale des SCOP . Le fait de citer cet organisme montre une fois encore la qualité de la recherche documentaire réalisée pour l’écriture de cette pièce.

Mécanique instable - Une pièce écrite et mise en scène par Yann Reuzeau avec Emmanuel de Sablet, Sandrine Molaro, Morgan Perez, Sacha Petronijevic, Leïla Séri, Sophie Vonlanthen -  Manufacture des Abbesses -  Scénographie : Philippe Le Gall - Lumière : François Leneveu.

Pour aller plus loin :

mardi 3 septembre 2013

Un livre d'art sur les SCOP (Sociétés Coopératives et Participatives) : "Ceux qui aiment les lundis" (Editions du chêne)


Les Editions du chêne demeurent une référence dans l'édition de beaux livres, riches de photos de qualité. Celui-ci, sans faillir à la tradition, prétend aussi exprimer le bonheur de travailler que ressentent les membres du personnel de ces SCOP, les Sociétés Coopératives et Participatives, des entreprises gérées démocratiquement par des salariés-coopérateurs. Si à l'origine elles comptaient dans leurs rangs essentiellement des entreprises de fabrication artisanales ou industrielles, elles concernent de plus en plus le secteur du commerce ou des services, ce qui explique l'abandon de leur dénomination initiale : "Société Coopérative Ouvrière de Production".
Le titre de ce bel ouvrage, "Ceux qui aiment les lundis", parait ne laisser aucune ambiguïté sur le bonheur que procure le fait de travailler pour sa propre "boîte". A une époque où la perte de sens affecte le monde de l'entreprise, la SCOP serait une solution idéale pour redonner du sens au travail et améliorer les conditions de travail. Leur nombre croissant, elles sont actuellement 2 000 et fédèrent 40 000 salariés, tout autant que la joie affichée par les salariés mis en scène sur les différents clichés de ce livre semblent le confirmer.

Ceux qui aiment les lundis
Edition du Chêne - Collection : Photo-reportage
EAN : 9782812307386
Pages : 120
Prix : 29.90 €