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dimanche 10 septembre 2017

Une conseillère "emploi-formation" à l'A.F.P.A. dans le film "On a failli être amies" de Anne LE NY (2014)

Très à l’aise dans des rôles réalistes, qui mieux que Karin VIARD pouvait interpréter Marithé cette conseillère emploi de l’A.F.P.A. qui coache Carole qui elle, prend les traits d’Emmanuelle DEVOS dans ce film de 2014 d’Anne LE NY « On a failli être amies.

L’intrigue
Marithé, employée au sein de la principale association de formation continue nationale, accompagne un groupe de femmes qui ont été licenciées, lorsque fortuitement, Carole, épouse d’un restaurateur local réputé, débarque dans l’agence. Celle-ci travaille avec son époux mais, bien qu’elle s’en acquitte fort bien, elle a beaucoup de mal à l’assumer, développant même une crise d’exéma à chaque fois qu’elle assure sa fonction en salle. Elle cherche à s’évader au travers d’une relation adultère avec un expert-comptable, ce qui ne parait pas la satisfaire outre mesure. Marithé, divorcée, est elle aussi loin d’être comblée sur le plan affectif, et à la faveur de l’accompagnement qu’elle accepte de lui dispenser dans le cadre d’un bilan de compétences, elle rencontre Sam (Roschdy Zem), le mari de Carole, qu’elle commence par admirer pour l’assurance qu’il dégage, puis dont elle s’éprend. Elle manœuvre alors pour favoriser les projets de création d’entreprise de Carole, un Centre d’équitation en association avec son amant, dans le dessein d’écarter le seul obstacle qui se dresse sur le chemin qu’elle entreprend vers Sam. Ses plans ne se passeront pas comme prévu, elle se mettra même en péril à titre professionnel.

Le registre professionnel
Tout comme dans Ma part de gâteauKarin VIARD est « dans le rôle », totalement crédible : Marithé, conseillère emploi,  coache ses ouailles avec entrain et dynamisme, les incitant à un certain positivisme sans jamais tomber dans la caricature. Elle anime avec détermination des réunions d’aide à la recherche d’emploi , conduit des simulations d’entretiens de recrutement ou déroule consciencieusement  les tests de personnalités, sans s’offusquer des résultats saugrenus délivrés par l’ordinateur. C’est ainsi que Carole se voit orientée vers le métier de « fauconnier » certainement également pour les besoins du scénario. Ne lâchant rien, elle vit son sacerdoce à fond, sans états d’âmes, son existence étant  centrée  sur le devenir de ses protégées, elle va jusqu’à les  accompagner sur le terrain pour les aider à trouver un stage, ou intercède auprès d’une relation à la C.C.I. locale pour que Carole intègre une formation d’aide à la création d’entreprise.
Quand ses plans échouent, elle sombre alors dans un burn-out, c’est du moins ce que diagnostique son supérieur qui applique mécaniquement la procédure prévue dans ce cas : un accompagnement psychologique suivi d’une réorientation professionnelle. Marithé réagira curieusement, presque satisfaite d’être touchée par une pathologie somme toute « classique » en entreprise, comme si elle était finalement normale.

Toujours dans le contexte professionnel, ce film montre également quelques scènes courantes du monde du travail telles que des situations relationnelles ou managériales ou un départ à la retraite, l’occasion d’offrir des cadeaux mais aussi de danser ce qui semble peu usuel.  Il est aussi l’occasion d’explorer furtivement les arrières cuisines d’un restaurant gastronomique, pour quelques scènes de préparation ou de dressage d’assiette, ainsi que le service en salle sans que l’on y apprenne beaucoup sur cette branche professionnelle.

jeudi 29 décembre 2016

L'addiction aux jeux électroniques au travail dans "Fantaisie Héroïque" une chanson de Juliette .

L'allusion est fugace et ne sert finalement que l'intérêt de sa chanson en lui offrant un dénouement inattendu, et ne traite aucunement des comportements addictifs au travail, en l’occurrence le jeu sur ordinateur. Juliette, puisqu'il s'agit d'elle, auteure, compositeur et interprète, elle même fan de "gaming", dans Fantaisie Héroïque, un titre de son album "Mutatis Mutandis (2005) se lance dans une suite d'aventures où elle endosse les habits de "l'aventurière qui doit sauver le monde", et combat aux côtés d'Ad'arana la blonde, fille d'elfe et guerrière, et de "Gaëlan demi orque, au trois quart magicien". Pour finir par être réveillée par la D.R.H. qui lui promet un licenciement sur le champ si elle continue à se perdre dans ses jeux électroniques !

Source documentaire : Management - Arts et Métiers (David ABIKER) - Octobre 2016


dimanche 13 septembre 2015

Hard discount et gaspillage alimentaire dans "Discount" un film de Louis-Jean Petit (2015)

S’il existait un César de la meilleure actrice de comédie sociale « à la française », CorinneMasiero devrait sans  conteste aucun, figurer parmi les nominées. Après ses prestations convaincantes dans « Louise Wimmer » et « De rouille et d'Os »,  évoquées dans ce blog. Dans Discount, un film de Louis-Julien Petit, elle occupe à nouveau un rôle central et colle encore une fois parfaitement au personnage. Le point de départ de l’histoire est assez simple : les employés d’un supermarché de type « hard-discount », sur le point d’être licenciés,  mettent en place une organisation afin de détourner les produits dont la DLC (date limite de consommation) est dépassée et  promis à la casse. Avant de les fouler du pied et d’y répandre de l’eau de javel, ils en prélèvent une partie qu’ils revendront à des prix extrêmement compétitifs, et pour cause, dans un magasin parallèle créé de toutes pièces dans la grange de la ferme où habite Christiane (CorinneMasiero). Le trafic débute timidement, mais devant l’intérêt affiché par les clients et les résultats financiers supérieurs à leurs attentes, et surtout la pression exercée par la directrice, interprétée par une excellente Zabou Breitman, la petite bande augmente les volumes.
Même si Louis-Julien Petit ne glisse à aucun instant avec facilité dans la fable, on ne demande qu’à adhérer à l’œuvre de ces Robins des bois modernes qui suscitent un bel engouement mais, la morale est sauve, ils finiront par se faire prendre sans que leur clientèle ne soit inquiétée.
Quant au réalisme des situations professionnelles, la plupart des scènes paraissent plausibles. Les employés remplissent les rayons et compactent les emballages, avant l’arrivée des clients, puis détruisent donc les produits en voie de péremption tandis que les hôtes ou hôtesses de caisse, selon le terme dévolu maintenant aux caissiers et caissières, assurent leur mission. Ils prélèvent parfois des bons de réductions à leur bénéfice, au risque, comme Christiane de se faire sanctionner, tout en  s’efforçant de respecter la cadence imposée par la direction.

Quelques aspects peuvent sembler moins crédibles, tel le comportement de la directrice. Salariée du groupe, elle ambitionne de devenir responsable de réseau. A cet effet, elle suit un cursus de formation au sein de l’enseigne. Elle y apprend par exemple que, quand elle conduit un entretien avec un collaborateur, elle doit toujours se faire assister par une personne qui notera par écrit les termes des échanges. Elle fait donc appel à sa « garde rapprochée », ses agents de sécurité, qui de manière tout aussi surprenante sont aussi chargés de chronométrer le personnel chargé de l’encaissement afin de maintenir la pression sur la productivité. Très curieusement, les vigiles semblent ne jamais se préoccuper des clients comme si la démarque inconnue ne pouvait être que le fait des salariés qu’ils ne manquent pas de fouiller en fin de journée, contre toute attente.

Sur le plan managérial, la manipulation n’est jamais bien loin. La directrice propose à Gilles, un de ses collaborateurs, une évolution professionnelle, alors que certains de ses collègues vont être victimes de suppressions de postes à l’occasion de la mise en place de caisses automatiques.
Le plus étonnant invraisemblable est peut-être cette ruée des clients le premier jour des soldes ; à l’issue du compte à rebours scandé par la directrice, ils se précipitent dans le commerce pour profiter des promotions que les employés du point de vente auront minutieusement préparées. Ils mettront encore plus de soin et de motivation lors de l’installation de leur propre magasin, dans cette ferme perdue dans la campagne : mise en place de la caisse et du merchandising, création des rayons, étiquetage, mise en place de la PLV et de l’ILV, allant jusqu'à proposer des services complémentaires telle la livraison à domicile.

En résumé, Louis-Julien Petit, donne à voir une description assez fidèle de la distribution et spécialement du hard discount, sans tomber dans la caricature, et sans s’appesantir sur l’idée de départ qui est le gâchis induit par la destruction de produits encore propres à la consommation dans le secteur de la grande distribution. Un sujet qui a refait récemment surface dans l’actualité, avec ce texte  de loi pour la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Et le César de la meilleure actrice de comédie sociale « à la française » est attribué à …

Pour aller plus loin :


Le festival du film francophone d'Angoulême où Discount a obtenu le Valois du public

La bande annonce :



dimanche 15 février 2015

Les conséquences humaines des fusions d’entreprises dans le livre de Sandro Veronesi « Chaos calme » (2005)

#01 L’impact des fusions d’entreprises sur les organisations et les salariés

Une fois de plus, l’entreprise n’est pas le cadre de l’intrigue de ce roman italien qui a remporté le prix Strega en 2006 et qui a ensuite été porté à l’écran par Antonello Grimaldi, avec dans le rôle-titre, l’un des acteurs transalpins les plus réputés, Nanni Moretti.  Ce serait même plutôt le contraire puisque, justement, le personnage principal délaisse son emploi de cadre supérieur au sein d’une multinationale sur le point d’imploser sous le coup d’une fusion, et décide que "son travail sera de ne plus travailler". En effet, le quadragénaire qui vient de perdre son épouse, accompagne sa fille Claudia le jour de la rentrée scolaire, et décide à l’improviste, de rester  à l’attendre toute la journée dans son véhicule, devant l’école.
Le lendemain et les jours suivants, il recommence. Ses collègues viennent successivement lui  rendre visite dans ce bureau improvisé, sa grosse « Audi A6 3000 » stationnée chaque matin devant l’école que fréquente sa fille. Un jour c’est Enoch, le chef du service du personnel qui vient s’épancher auprès de Pietro sur la fusion en cours. Il lui remet les 3 feuillets qu’il a dactylographiés le matin même à 5 heures du matin, et dans lesquels il a mis « tout ce qu’il avait sur le cœur » (Cf ci-dessous paragraphe #02).
Au travers du point de vue de ce DRH, curieusement affublé du titre de « Chef du service du personnel », Sandro Veronesi dresse une analyse remarquable, il synthétise très précisément les conséquences structurelles et humaines des fusions d’entreprises. Sans militantisme aucun, il met en exergue la valeur du capital humain de l’entreprise et sa capacité à générer de la valeur. Il décrit avec une acuité quasi-scientifique les répercussions sur les salariés de ces regroupements de multinationales ainsi que les pathologies qu’ils risquent de développer par une somatisation de leur stress et de leur mal-être. Il s’attache aussi à relever les conséquences humaines sur les organisations, avec une disparition de la culture d’entreprise et de la confiance, et sur le plan sociologique, une perte du plaisir de travailler en équipe avec ses collègues qui deviennent de véritables rivaux. Et de conclure par le constat d’une perte de compétences de l’entreprise et de l’échec irrémédiable de ces méga-fusions.
Situées au 1er tiers de ce livre, cette approche d’un des aspects des conditions de travail n’y occupe qu’un plan secondaire, et pourrait même sembler incongrue par rapport à l’intrigue. Le travail extrêmement documenté de l’auteur, étrangement renforcé par la mise en gras des termes ou idées importants, en insuffle toute la valeur.


#02 L’analyse du chef du service du personnel
Les 3 feuillets remis par Enoch à Pietro commencent par sa définition des fusions :
« Qu’est-ce qu’une fusion ? Une fusion est le conflit de deux systèmes de pouvoir qui en crée un troisième pour des finalités financières. Elle est conçue pour générer de la valeur, mais la génération de valeur est un concept bon pour les actionnaires, ou pour les banques d’affaires, pas pour les êtres humains employés dans les entreprises, pour qui au contraire la fusion est le plus violent traumatisme qu’on puisse leur infliger au travail. Une fois qu’on a  trouvé l’accord sur la transaction, ce qui n’est pas facile, on a tendance à croire que le plus gros est fait. Cette conviction découle de la sous-estimation que le monde de l’économie réserve au facteur humain et, plus généralement, à la psychologie. Mais c’est une erreur. Les principaux problèmes dans une fusion ne sont pas liés au document qui la sanctionne. »
La lecture de la note écrite en Arial reprend : « Avant les chiffres, en effet, une entreprise est faite par les hommes qui y travaillent, c’est-à-dire par ses salariés, et après l’annonce d’une fusion la réaction de tout salarié à tout niveau est l’incertitude. A qui dois-je me fier ? Qu’est-ce qui m’attend ? Va-t-on me garder ou me renvoyer à la maison ? Mes fonctions vont-elles changer ? Comment mes problèmes seront-ils résolus ? Réussirai-je à garder les privilèges que j’avais conquis ? Aucun ne se soucie de génération de valeur tant que la nouvelle organisation n’aura pas répondu à ces questions, en lui garantissant une nouvelle légitimité. Pendant une fusion, il faudrait parler avec les salariés, les informer et les tenir au courant le plus souvent possible ; le salarié a besoin de confiance, de sentir qu’on ne le considère pas seulement comme un pion ; on lui réserve en revanche un discours-standard, pondu une fois pour toutes par quelques conseillers en communication interne, qui a pour tout effet d’augmenter ses inquiétudes. Ces déclarations aseptisées sur de futures synergies qui ne touchent pas le personnel sont pure hypocrisie puisque tout le monde sait que la seule garantie concrète pour générer de la valeur sur les marchés est une réduction des coûts de l’entreprise, et les réductions de coûts sont réalisées à  80 % par des compressions de personnel. »
Pietro passe alors à la deuxième page : « Ainsi les salariés pendant une période de fusion entrent ils dans une zone de constantes turbulences. Il s’agit d’une période assez critique qui peut durer très longtemps et pendant laquelle le sentiment dominant est l’angoisse. Une angoisse qui, si on la néglige, d’individuelle peut devenir collective ou même se transformer en panique ; l’expérience au contact avec le personnel pendant une fusion enseigne que l’impact est double. Au plan physique, la machine humaine tend à sentir davantage de stress et de fatigue et à accentuer toutes les propensions naturelles à la somatisation, avec une augmentation sensible des allergies, troubles respiratoires, cystites, migraines, dermatites, et, chez les femmes, candidoses, aminorrhées (sic) et dysminorrhées (sic) ; tandis qu’an plan psychologique, les esprits sont envahis par l’incertitude, tout événement suscite des émotions anxiogènes telles que la peur, l’angoisse, le découragement et la frustration qui, à leur tour produisent de graves symptômes de dépression, d’autant plus graves que les personnes concernées sont instinctivement poussées à les refouler car elles appartiennent à une culture de pure performance, où l’existence de ce genre de troubles est tout simplement inconcevable. »

Après avoir fait remarquer à Enoch son erreur sur l’orthographe de « aménorrhées » et « dysménorrhées » que celui-ci s’empresse de corriger, Pietro reprend le fil de sa lecture :
« Cet impact est plus dévastateur pour la tranche d’âge entre quarante et cinquante ans, quand le potentiel d’adaptation est inférieur et que le risque de perdre au change est beaucoup plus élevé. On a l’impression de régresser, on perçoit un sentiment d’injustice. Le traumatisme à absorber est énorme : on était attaché à une culture d’entreprise, à une équipe, à des collègues avec qui on travaillait avec plaisir, dans un esprit de corps. Quand on se retrouve en face des autres, c’est dur. Même s’il est précisé d’entrée de jeu que ce sont eux les « victimes », il s’agit bien de l’ennemi qui se matérialise. Hier encore, on était en rude compétition avec eux, soudain, les voici qui pénètrent notre environnement. On se sent envahi, ne serait-ce que physiquement et on ressent le désir de les envoyer balader, de leur dire qu’on s’en sortait très bien sans eux. Et au contraire, il faut travailler ensemble, et le choc est grand ; on a vu des cadres provenant d’entreprises classiques, où les titres et la hiérarchie sont sacrés na pas réussir à supporter de participer à des groupes de travail avec du personnel provenant de l’autre entreprise, de rang hiérarchique nettement inférieur, au nom d’une compétence commune contingente. »

Arrivé à la fin de cette deuxième page, Pietro se demande si Enoch ne cherche pas finalement à le mettre mal à l’aise en lui soumettant ce texte, pour lui rappeler qu’il peut lui aussi devenir chômeur, lui, Pietro, déjà affaibli par le récent deuil. Il enchaîne avec la lecture  du dernier feuillet :
«  C’est une situation très déstabilisante, et seulement trois catégories de personnes réussissent à le supporter : les fidèles des fidèles, ceux qui tournent leur veste et les collabos. Tous les autres risquent de sombrer. Il faut développer une grande résistance, physique et psychologique, pour ne pas s’écrouler et rares sont ceux qui y parviennent sans une assistance appropriée. Mais une telle assistance n’existe pas. Alors, la conséquence la plus courante est que pendant les fusions, un grand nombre d’excellents éléments quittent volontairement leurs fonctions, avant même que la fusion soit achevée ; ce qui à courte vue, est reçu positivement car l’étape suivante de la compression de personnel est allégée d’autant, alors que cela représente au contraire une perte sèche. Car les hommes et les femmes qui partent emportent avec eux leur savoir et leurs capacités techniques et en comparaison de la valeur virtuelle créée sur les marchés, le résultat réel est un terrible appauvrissement. Voilà pourquoi on n’a encore jamais vu de grande fusion ne pas échouer nom de Dieu, au bout d’un an ou deux. »

Caos calmo (Edition originale - Bompiani) – Sandro Veronesi.

Chaos calme (Edition française - Bernard Grasset) – Sandro Veronesi - Traduction de Dominique Vittoz avec le concours du Centre National du Livre.




mardi 29 juillet 2014

Un odieux chantage au licenciement dans "Deux jours, une nuit" le dernier film des Dardenne

Selon certains experts, ce film des frères Dardenne, Jean-Pierre et Luc, est le grand absent du palmarès du dernier festival de Cannes. Si nous n'émettrons aucun jugement sur la qualité du film, il apparaît que la trame en soit pour le moins fantaisiste au regard du droit du travail et des pratiques en entreprises en matière de licenciement.
En l’occurrence, un patron met dans les mains de ses salariés, le marché suivant : ils encaisseront  leur prime annuelle d'un montant de mille euros à condition que leur collègue Sandra, interprétée par Marion Cotillard, soit licenciée.
Il n'est certes pas impossible qu'un tel comportement puisse se rencontrer dans le monde cruel de l'entreprise, mais un employeur prendrait-il le risque de se faire sanctionner par les autorités, car il est facile d'imaginer que, très vite, l'affaire aurait été jetée en pâture aux medias.
Cette licence que s'autorisent les réalisateurs belges leur permettra de sonder la noirceur ou la beauté des âmes, dans ce nouvel opus d'un genre dont ils ont le secret, la "comédie sociale". Un jugement que ne partage peut-être pas le jury du festival.

samedi 28 juin 2014

"Des vivants et des morts" : une fresque sociale de Gérard Mordillat autour d’une fabrique de fibre plastique.

La diffusion sur Arte de cette mini-série en 8 épisodes, "Des vivants et des morts", remonte à mai 2012. Faute d’avoir lu le livre, nous pouvons raisonnablement penser qu’elle respecte fidèlement l’œuvre dont elle est tirée puisque c’est Gérard Mordillat qui l’a adaptée lui-même à partir de son propre roman (Les vivants et les morts - Calmann Lévy 2005)
L’histoire est plausible, nous découvrons une entreprise industrielle assez classique, une fabrique de fibres plastiques la K.O.S. dans laquelle les salariés sont impliqués au plus haut point. Ils iront jusqu'à risquer leur vie pour sauver leur outil de travail suite à une inondation. Avec certes, un soupçon de romanesque, mais c’est le parti pris de l’auteur pour montrer ce degré d’investissement des ouvriers. Les différents protagonistes sont correctement installés dans leurs rôles, les acteurs sont convaincants, Robinson Stévenin en tête. Le réalisateur ne nous donne pas à voir des caricatures de personnage.
Les premières scènes permettent d’évaluer les stratégies des différentes classes sociales au travers de leurs représentants : actionnaires, dirigeants ou salariés. Car toute la trame s’articulera autour de  la réduction d’effectifs, avec d’inévitables licenciements à la clé, voire de la fermeture pure et simple de l’unité de production. Un événement qui touche Rudy (Robinson Stévenin) dont l’épouse Dallas doit effectuer des heures de ménages chez un médecin pour que le couple puisse s’en sortir. En effet, pour faire face aux dépenses et au remboursement du foyer, le  salaire de son mari ne suffit pas. Ce dernier refusera un poste de maîtrise dans la nouvelle organisation, ce que s’empressera d’accepter son meilleur ami à qui le poste est ensuite proposé. La trahison, donc, mais aussi la peur avec la situation difficile d’une autre salariée, une jeune femme dont le mari est en « longue maladie », et qui voit s’abattre sur elle la menace d’une perte de revenus.
Sans abandonner totalement le parcours des protagonistes, la suite de la série prendra un tour davantage politico-financier, avec le rachat de la K.O.S. par un groupe américain, une délocalisation et la mise en relief très réaliste de l’impuissance des élus ou des institutions, Maire, Préfecture, Direction du travail … face aux lobbies financiers.
Les salariés se replieront alors dans un état de résistance proche d’un état de guerre qui aboutira à une prise d’otages au sein du site de production.
Sur un plan sociologique, Gérard Mordillat décrit aussi les mécanismes qui, en période de crise, conduisent à la xénophobie et au racisme.
Une série réussie, on pourra seulement regretter quelques excès dans le scénario, à l’instar de ce Directeur Général qui, par amour pour une salariée, quitte sa femme et ses filles, dont l’une d’elles est tombée enceinte à la suite d’une relation avec un apprenti de l’entreprise.

Pour retrouver un bref résumé des 8 épisodes, voir le site d'Arte.

L'univers des grands magasins dans "Riens du tout" de Cédric Klapisch (1992)

Dans « Riens du tout » (1992), Cédric Klapisch, alors tout jeune réalisateur, nous plonge dans l’univers des grands magasins. La situation des « Grandes galeries » est peu reluisante, un directeur est donc recruté pour redresser la situation à l’échéance d’un an. Sans tomber dans la caricature, la critique du monde des grands magasins d’un côté, et celle des nouvelles théories managériales sur autre plan, sont assez justes.
Le nouveau dirigeant, M. Lepetit, interprété par FabriceLucchini, commence par s’immerger afin de susciter la confiance de ses collaborateurs, puis met en place un plan d’actions, aidé de consultants.
Les salariés sont pour certains réfractaires, « tu me vois prendre des cours ? » ou plus ouverts, « mais si, c’est bien ! », ou bien défendent leur statut de démonstratrice ou de vendeur(se).
Des conflits naîtront de la mise en œuvre de la nouvelle organisation, accentués par la position des syndicalistes qui s’indignent par exemple qu’un étudiant en DEES de marketing,  ne soit pas rémunéré au titre de son stage, alors que lui-même ne s’en plaint pas.
Le dirigeant essaiera de resserrer la cohésion entre ses salariés au travers d’actions collectives comme la création d’une chorale ou l’organisation d’un séminaire de « team building » dont le point d’orgue sera un saut à l’élastique pour l’ensemble des salariés ; l’un d’entre eux refusera l’ épreuve.


D'autres actions viseront à augmenter la performance commerciale. En effet, le jeune manager découvre que certains employés, certes en fin de carrière, se désintéressent complètement des clients et de leurs préoccupations.  Une situation plutôt rare de nos jours dans ces grandes enseignes de la distribution de centres villes. Il développera aussi les animations commerciales en magasin, respectant ainsi les règles du commerce moderne.
Il usera de procédés moins glorieux pour promouvoir son enseigne ; il s’empressera par exemple d’affubler l’un de ses salariés chargé de nettoyage d’un tee-shirt à ses couleurs, à l’issue d’un marathon que celui-ci vient de remporter.
Les efforts de notre « manager de transition », dirait-on aujourd'hui, seront vains car la décision de fermer le magasin était prise dès le début par le Conseil d’administration, qui cherchait en fait à développer les ventes pour financer le plan de licenciement.


samedi 14 juin 2014

Une incohérence dans un film de Robert Guédiguian : "Les neiges du Kilimandjaro"

Ce film de Robert Guédiguian (2011) prend corps dans les locaux de la CGT d'une entreprise située à proximité du port de Marseille. La situation est totalement irréelle, d'un point de vue légal, puisqu'elle montre un représentant syndical qui égraine les noms de ceux de ses collègues tirés au sort qui seront victimes du plan de licenciement.
Parmi ceux-ci, Michel, lui aussi responsable de la CGT, qui à l'occasion de ses 30 ans de mariage se verra remettre une somme d'argent destinée à financer un voyage en Tanzanie. Une nouvelle lune de miel qui ne se fera pas puisque Michel et son épouse Marie-Claire (Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride) ainsi qu'un couple d'amis qui se trouvent à leur domicile se verront pris en otage et agressés par des malfrats dont l'un d'eux inspirera la compassion après que notre couple l'ait identifié.
Si la trame narrative interpelle sur les points de vue respectifs des victimes et des agresseurs, elle part donc d'une situation totalement fictive puisque seule la direction de l'entreprise peut dresser la liste des salariés licenciés, en se basant sur des éléments objectifs.

dimanche 9 mars 2014

Harcèlement en entreprise dans la série "Boulevard du Palais" (France 2)

Boulevard du Palais est une série policière française diffusée depuis 1999. Elle met en scène des personnages récurrents, aux personnalités bien trempées, qui gravitent autour de la "petite juge" Nadia Lintz interprétée depuis l'origine par Anne Richard.
 Jean François Balmer, dans le rôle du Commandant de police judiciaire Rovère, devenu alcoolique suite à des accidents de la vie, est l'autre personnage principal. Il  est assisté de l'inspecteur Di Meglio (Philippe Ambrosini ) et d'un médecin légiste poète et philosophe à ses heures, Hannibal Pluvinage, dont les habits sont endossés par l'excellent Olivier Saladin. C'est lui qui au détour d'un échange donnera l'explication de l'intitulé du titre de cet épisode, "trepalium" qui désignait un engin de torture et dont le mot "travail" tire son étymologie. Car c'est dans le monde de l'entreprise que se déroule l'action de ce nouvel opus, avec pour point de départ, le suicide d'un cadre de TSA, Patrick Bello, qui adopte une manière originale, puisqu'il précipite l'automobile dans laquelle il a pris place contre un obstacle dans un atelier de bancs de tests de sécurité situé au sous sol de l'entreprise.
L'intrigue prendra un tour inattendu, puisque l'on découvrira finalement après un second suicide requalifié en homicide, que la dirigeante était en train de vendre l'entreprise qui compte 124 salariés à des concurrents allemands. C'est pour cette raison que, avec la complicité de son DRH, Chauvel, elle a "spolié" Bello d'un logiciel qu'il avait développé qui aurait pu entraver la cession. Le cadre, ne comprenant pas ce qui lui arrive glissera dans une spirale dépressive, bien entretenue par Chauvel qui ira jusqu'à le harceler, lui reprochant son poids, son âge  et même son hygiène en allant jusqu'à lui offrir du déodorant. Cette facette du harcèlement en entreprise semble la moins réaliste car la pression conduisant à une extrémité fatale est généralement plus sournoise. Elle est cependant assez bien décrite dans la première partie de l'épisode, notamment au travers des témoignages des différents personnages.
Son épouse d'abord, effondrée à l'annonce de la terrible nouvelle, qui se rendait compte que "son boulot le vidait de l'intérieur, on lui en demandait trop ou on ne lui demandait rien" ou son fils qui ajoute "il ne parlait pas de son boulot". Le discours du DRH est bien entendu teinté de mensonge, mettant le geste fatal du cadre sur le compte "d'une passe difficile, d'une inaptitude provisoire", mais l'entreprise ne lui en tiendra pas rigueur alors que "d'autres ne se seraient pas gênés pour le virer". Les dirigeants de l'entreprise évoquent aussi  "des difficultés dans le couple" ainsi que "des rumeurs de relation avec une fille", une des anciennes salariées, elle aussi victime de pressions, et qui avait été licenciée "pour abandon de poste", mais après qu'un mél d'insultes ait été adressé à sa patronne depuis son poste informatique. C'était en fait le résultat d'une première manipulation du DRH.
La position du médecin du travail est plus ambiguë. Il est d'abord difficile de comprendre où elle se situe physiquement, tant elle semble impliquée dans l'entreprise. Les permanences régulières qu'elle assure au sein de  l'établissement et qui génèrent cette impression sont très éloignées de la réalité. Elle expliquera "les troubles du sommeil" de Patrick Bello par la pression infligée par "la nouvelle stratégie de l'entreprise", et déplorera le manque de communication qui se traduira entre autres par le "remplacement de la machine à café par des cafetières individuelles disséminées dans les bureaux". A l'issue du premier décès elle sera bien sûr partie prenante de la cellule psychologique constituée avec Chauvel, un DRH décidément machiavélique qui introduira un logiciel mouchard dans le poste informatique de la thérapeute et qui fera aussi chanter sa patronne.
Les héros de la série de France Télévision ont sur ce petit monde un regard distancié mais peu critique, restant dans leur rôle. La" petite juge" rappellera la difficulté de "prouver le harcèlement" dans ce genre d'affaires, alors que Pluvinage confirmera les troubles du sommeil de Bello, qui "carburait aux calmants et somnifères". Le commandant Rovère se limitera à observer que le DRH "n'est pas submergé par les rendez-vous" mais la fille adoptive du policier montrera toute l'incompréhension dont souffrent les victimes de harcèlement car elle ne comprend pas que l'on puisse "se foutre en l'air parce qu'on est pas capable de dire non à un chefaillon".
C'est l'inspecteur Di Meglio qui sera le plus mordant, fidèle à son habitude, se lâchant d'un commentaire peu amène à l'attention du médecin du travail : "votre paie vient des cotisations patronales". La réalité n'est pas aussi simple, même si la médecine du travail est plutôt au service des employeurs, ce que les salariés ont du mal à comprendre. Ceux-ci se lamentent souvent du peu de profondeur des diagnostics des médecins du travail, mais ils ne doivent pas oublier que la mission de ces derniers lors des visites médicales n'est pas de contrôler la santé du personnel, mais de vérifier son aptitude. Dans le cas contraire, c'est le licenciement qui guette ...
En résumé, cet épisode reste assez réaliste,  seules quelques concessions imposées par le scénario nous éloignent des conditions réelles de l'entreprise, à l'exemple du comportement du DRH. Il rappelle sous certains aspects un épisode le la série "La crim" traité dans cet article de notre  blog ou "Seule", cet excellent téléfilm qui fait l'objet de l'article le plus lu de ce blog.


dimanche 16 février 2014

Surveillance et nettoyage dans un hypermarché en Uruguay : Gigante, un film de Adrian Biniez

Dans le monde des services annexes à la grande distribution, comme la sécurité ou le nettoyage, les conditions de travail sont similaires quel que soit le pays. Pour preuve, Gigante, ce film de 2009 du réalisateur argentin Adrian Biniez qui raconte une histoire d'amour naissante entre un vigile Jara, assigné à la surveillance video d'un hypermarché, et Julia, l'une des agents de l'équipe de nettoyage qui intervient la nuit dans le magasin. Gauche et maladroite, elle renversera une pyramide de rouleaux d'essuie-tout ou cassera un bocal, ce qui attirera la curiosité du jeune homme qui viendra à son secours et couvrira les chapardages des autres femmes de ménage, du moins tant qu'ils se limitent à des produits de première nécessité.
Sur l'exercice des deux métiers, la sécurité et l'entretien dans la grande distribution, les conditions à Montevideo sont très proches de ce que nous connaissons de ce côté-ci de l'atlantique : des horaires contraignants, le peu de considération des supérieurs, les brimades, la pression, des salaires réduits... Jara est même obligé de cumuler un second emploi de videur dans une boîte de nuit.
La relation sentimentale entre les deux employés se dénouera sur fond de conflit social, puisque, malgré une pétition lancée par les salariés, des suppressions de postes affecteront le personnel, dont celui de Julia, ce qui lancera son prétendant dans une explosion de colère, qui le fera renverser les produits de rayons entiers.
Ce film est à rapprocher de Mariline de Mehdi Charef, ou de "Surveillance" le téléfilm de France 2 tous deux traités dans ce même blog. Diffusé en janvier 2013 sur Arte que l'on peut remercier de nous proposer ce type de films rares, il a fait l'objet d'un article détaillé sur le site du Monde, et a obtenu l'ours d'argent aux Berlinades 2009.