dimanche 2 mars 2025

L'emploi précaire dans l'après-guerre en Italie dans le film "Deux sous d'espérance" de Renato Castellani (1952)

"Due soldi di speranza" (Deux sous d'espoir) constitue le dernier volet d'une trilogie du réalisateur italien Renato Castellani. Distribué en 1952, il pourrait figurer un archétype du cinéma néo-réaliste transalpin puisqu'il montre largement la vie d'après guerre dans ce pays où la population a souffert du fascisme, puis de l'invasion nazie et enfin de la libération opérée par les alliés. Aucune référence à la guerre ou à la politique, excepté quelques rares scènes où le principal protagoniste, Antonio (Vincenzo Musolino), se rend la nuit à Naples pour aider les communistes locaux à coller des affiches afin de compléter sa maigre rémunération d'assistant bedeau dans le village de Cusano où il vit difficilement depuis sa démobilisation. Il perdra cette charge quand le prêtre aura vent de cette activité, ce sera toutefois la seule confrontation à distance entre l'église et le communisme.

Sous l'angle du monde du travail l'intérêt principal de ce film réside dans la vision qu'il offre de la façon dont la population masculine, essaie de s'en sortir, par le travail, ou par des expédients, sans tomber dans le trafic ou l'illégalité, même si, excepté peut-être celui du Parti Communiste, la plupart des emplois ne sont certainement pas déclarés. Mais nous n'aurons indication à ce sujet pour aucuns d'entre eux. 

Afin de constituer un trousseau pour sa sœur, déshonorée par un vieux célibataire, mais aussi pour demander la main de Carmela (Maria Fiore) à son père, avec peut-être l'espoir d'intégrer l'entreprise familiale florissante de fabrication de feux d'artifices, Antonio remplira d'abord des bouteilles de limonade pour le compte d'un débit de boisson du village, vendra des légumes sur le marché, puis gagnera quelques pièces en assistant les cochers dont les calèches peinent à grimper la montée qui ponctue le trajet entre la gare et le bourg. A ce moment, il aurait dû occuper le poste de chauffeur de bus de la compagnie créée par ces mêmes cochers sous forme de coopérative dans le but de contrer les plans du Maire qui envisageait de mettre en place un service régulier de transports en bus. L'entreprise prendra fin avant même d'avoir commencé en raison du manque d'entente des associés. 

Antonio sera donc successivement assistant du bedeau et colleur d'affiches puis coursier pour les propriétaires de 3 cinémas, parcourant les rues de Naples à bicyclette pour livrer les bobines de films, une scène qui fait immanquablement penser à "Nuovo Cinema Paradiso" film beaucoup plus récent de Giuseppe Tornatore. Il s'attirera les faveurs de la mère de famille puisque, en plus de son travail, il fait don de son sang pour favoriser la croissance de son garçonnet. Ce qui lui permettra d'accéder au titre de projectionniste, enfin un vrai métier, qu'il perdra aussitôt à cause de sa promise, aussi amoureuse qu'écervelée. 

Dans cette période d'après-guerre telle qu'elle est dépeinte ici dans le sud de l'Italie, la région Campanie, pour être plus précis, le fait marquant est le manque cruel de travail et donc de ressources pour les familles. Les hommes se présentent chaque jour devant la grille d'enceinte de l'église et passent là une partie de la journée à attendre un hypothétique emploi, préférant parfois refuser un travail peu intéressant et pas beaucoup plus rémunérateur que les indemnités chômage, puisque le système a le mérite de déjà exister.  Les emplois proposés, quand ils existent, sont ceux de manoeuvre, peu payés et peut-être rarement déclarés.


samedi 1 mars 2025

L'esclavagisme moderne dans le film italien "Una promessa" (Lo spaccapietre) des frères De Serio (2020)

De ce long métrage des frères jumeaux Gianluca e Massimiliano De Serio, nous ne retiendrons pas spécialement l’intrigue tant elle manque de clarté. Ou peut-être des éléments dans le récit font-ils défaut ? Une fois encore c’est le contexte qui nous intéresse puisque la plus grande partie du film se déroule au sein d’une exploitation agricole ou maraîchère dans laquelle on cultive des légumes et de la vigne de manière intensive.

Cette entreprise s’appuie principalement sur le travail illégal, la main d’œuvre est constituée d’africains, essentiellement des hommes mais également de quelques italiens. Ils sont payés en liquide, à la bonne grâce de l’employeur ou plutôt de son garde chiourme, son homme à tout faire avec qui il terrorise ces nouveaux esclaves. En rôdant par exemple la nuit au milieu des baraquements de fortune où vivent ces pauvre hères, armé d’un fusil et tirant sur ces habitations sommaires faites de toile en plastique. Le boss impose également ses caprices à une femme, à qui il demande par exemple d’éventrer un porc fraichement abattu, ou de mimer une scène bestiale en duo avec Giuseppe, le personnage principal du film.

Celui-ci a perdu son travail dans une carrière, sans que l’on sache s’il était déclaré, suite à un accident qui lui a coûté un œil. C’est son épouse qui subvient aux besoins du couple et de leur fils, en travaillant justement dans cette exploitation agricole où elle perdra la vie en raison, peut-on supposer, des dures conditions et peut-être des mauvais traitements des tortionnaires. N’ayant d’autre alternative, Giuseppe (Salvatore Esposito) rejoindra cet enfer en compagnie de son jeune fils et subira lui aussi de mauvais traitements.

Sur un plan purement professionnel, il nous est donné de voir le travail dans les champs, dans des scènes à peine réalistes. En effet, quand Giuseppe recouvre de terre les bords des films plastiques déroulés dans les champs, l’utilité de la tâche ne semble pas flagrante. Quand, par contre, toujours aidé de son fils, il troue ces mêmes bâches pour y planter des végétaux, ou qu’il répand des produits phytosanitaires à l’aide d’un pulvérisateur ou d’une cuve attelée à  l’arrière d’un tracteur, on peut noter davantage de réalisme.

Si l'on veut prendre un peu plus de recul, il est légitime de s'interroger sur la pertinence des éléments de contexte. Certes, le travail illégal existe, notamment dans le secteur agricole et probablement dans l'Italie, et en l'occurrence l'Italie du Sud. Cependant, la présence de ressortissants italiens dans les rangs de ces esclaves modernes paraît surprenante. D'autant plus que dans certaines situations, aiguillés et assistés par les travailleurs étrangers, il semble même que ce soient eux les migrants. Enfin, au delà des relations nécessaires à la trame du film, aucune indication n'est donnée sur la vie sociale dans ce monde du travail illégal.

La bande annonce du film "Una promessa"