Au cinéma, au théâtre ou dans la littérature, le métier et le statut des protagonistes ou leur environnement professionnel peut avoir une incidence sur l'intrigue. Et parfois, c'est le monde de l'entreprise lui même qui fait l'objet du scénario. Volontation propose un panorama des conditions de travail dans la littérature, au théâtre, au cinéma, à la télévision ou dans la chanson ...
Avant sa retraite en Russie dont la presse s’est
fait largement l’écho, Gérard Depardieu était à l’affiche d’un film qui ne
traitait pas du monde du travail, mais de la fin de carrière, et donc du départ
à la retraite. Bien que réalisé par les fantasques auteurs de Groland, la
mythique émission de Canal +, le sujet de la retraite est abordé dans un
premier temps sobrement, bien servi par un Gérard Depardieu dans le rôle de
Serge Pilardosse, ouvrier des abattoirs, et Yolande Moreau, qui joue son
épouse, elle-même employée de grande surface. Les premières scènes apparaissent
très réalistes, les gestes de Pilardosse maniant la scie ou le couteau pour
couper la viande sont précis, les situations vécues par son épouse dans le
supermarché qui l’emploie sont plausibles, comme par exemple le stress généré
par sa peur de « finir » au rayon poissonnerie. Le départ à la retraite de Pilardosse reste
crédible et en rien caricatural, n’était-ce la teneur du cadeau qui lui est
remis à cette occasion, un puzzle, et le fait que le bénéficiaire ignore en tout
point ce qu’il va percevoir. Dans la
réalité, le salarié demande une situation au regard de la retraite à la CARSAT
(ex-CRAM) ce qui détermine son choix de faire valoir ses droits ou pas. Notre principal protagoniste se retrouve dans
une situation compliquée puisque ses anciens employeurs ne l’ont pas tous déclaré
et versé les cotisations correspondantes aux caisses de retraite obligatoires
ou complémentaires. La quête de ses points de retraite sera l’objet d’un road
movie qui l’ emmènera sur la route de son passé au travers de scènes surnaturelles
dans lesquelles les réalisateurs, Benoît Delépine et Gustave Kervern laissent libre cours à leur imagination, dans
l’esprit des Groland.
Le réalisateur britannique Ken LOACH a refusé le Grand Prix
que souhaitait lui décerner le jury du Torino Film Festival, en réaction au
traitement réservé au personnel de nettoyage et de gardiennage du Musée du Cinémade Turin, associé à ce festival cinématographique turinois. Les salariés se sont
vus obligés de signer de nouveaux contrats de travail, avec une baisse de
salaire, suite à la reprise par une société extérieure de leurs prestations.
Deux d’entre eux ont été licenciés suite à leurs protestations, ce sont des
syndicats qui ont prévenu le maître, lui-même très impliqué dans la défense des
travailleurs. Il a par exemple réalisé Bread and roses, qui traitait de la
révolte de femmes et d’hommes de ménage mexicains employés à Los Angeles.
Le festival du film
de Turin distingue entre autres une oeuvre à caractère ouvrier ; cette année c'est le film Nadea e sveta de l'italienne Maura DELPERO qui a été primé.
Réalisée par Catherine SCHAUB, cette pièce est interprétée entre autres par Leonore CONFINO, qui en est l'auteur. L'histoire se déroule succivement dans chacun des étages d'un bâtiment de 13 étages, occupés par les services de Consulting Conseil, l'entreprise qui occupe ce building qui donne le titre de ce spectacle. Les jeux de scènes sont vivants, parfois chantés, toujours rythmés de manière à faire ressentir la pénibilité du travail et le stress latent subi par les différents salariés de l'entreprise : hôtesses, comptables, agents d’entretien, cadres, directeurs des ressources humaines, chargés de communication ... Les dialogues et l'interprétation semblent mettre habilement en évidence la déhumanisation provoquée par la pression induite par la recherche permanente d'atteinte des objectifs impulsée par les actionnaires.
"Building" - Théâtre Mouffetard, à Paris - Coproduction Les Productions du Sillon (compagnie en résidence au Théâtre de Poissy), la Fédération d’Associations de Théâtre Populaire, le Théâtre de Poissy, le Théâtre de Saint-Maur, le Théâtre Montansier et Act.
De Leonore CONFINO - Mise en scène Catherine SCHAUB
avec Bruno Cadillon, Léonore Confino, Olivier Faliez, Yann de Monterno, Miren Pradier
création musicale R. Jéricho et Aldo Gilbert – chorégraphies Magali B. – scénographie Sophie Jacob – Lumières Vincent Grisoni et Marc Gingold – costumes Julia Allègr
Le Groupe IGS est une école en management, gestion des ressources humaines, commerce, marketing ...basée sur le concept d’Université Professionnelle Internationale. Elle dispose d'un CFA qui propose des cursus en apprentissage. Un groupe de 22 apprentis du CFA IGS en Cycle Master Pro 2 « Ressources Humaines » a participé à une étude menée depuis un an sur la vision du rôle du DRH, le Directeur des Ressources Humaines, qu'offre le cinéma.
Les résultats de ces travaux seront présentés le 14 novembre prochain au cinéma "L'Archipel", 17 Boulevard de Strasbourg - Paris 10 ème, sous forme d'un court-métrage, suivi d'un débat auquel participeront entre autres le romancier et réalisateur Gérard Mordillat dont nous parlerons prochainement dans ce blog au sujet du téléfilm "Les vivants et les morts" et le journaliste David ABIKER. Ce dernier a d'ailleurs vanté sur son blog la qualité de nos publications à partir desquelles il se soit semble-t-il documenté pour préparer son intervention. Un honneur qui nous est fait tant nous apprécions la passion, l'esprit et la truculence de ce chroniqueur.
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Dans ce roman de 1957 écrit par Michel BUTOR pour lequel il
obtint le prix Renaudot, la profession du principal protagoniste n’est qu’un
prétexte. Celui de voyages réguliers entre Paris et Rome où se trouve le siège
de la Scabelli, la firme de machines à écrire dont notre personnage est le
responsable commercial pour l’hexagone. L’ensemble du récit qui se déroule dans
le train lors d’un voyage entre les 2 capitales sera l’objet d’une longue
réflexion sur l’issue d’une relation que Léon Delmont entretient avec Cécile, une jeune italienne. Partant de la gare
de Lyon avec la ferme intention de lui annoncer qu’il “l’installera” à Paris
pour vivre avec elle, abandonnant femme et enfants, le voyage jusqu’à Stazione
Termini l’amèneraà modifier ses
desseins comme l’indique le titre de ce livre.
Sur son métier
nous n’apprendrons que peu de choses, si ce n’est qu’il rencontre des clients à
l’occasion de repas d’affaires et qu’il visite ses commerciaux disséminés sur
le territoire français. Ce que l’on peut noter toutefois, ce sont ses états
d’esprit, à l’occasion de rares passages, comme par exemple page 145 (editions
de Minuit Coll. “Double” 1980) : “... parce que
chaque fois plus amère encore la différence s’affirmait entre cette vie plus
libre et plus heureuse dont l’air romain vous avait donné l’espérance, et
l’oppression, la charge parisienne sous laquelle elle s’enfonçait, parce que
chaque fois vous lui apparaissiez vous trahir un peu plus vous même à Paris
dans cette occupation de plus en plus fructueuse finacièrement, encore que celà
ne dapassa point, certes des limites fort contraignantes et dont vous vous
efforciez de plus en plus de vous cacher l’absurdité, abandonnant à chaque
fois, à chaque relation commerciale que vous invitiez à dîner, un peu plus de
votre fierté et de votre sens ancien, prenant peu à peu leurs rires bas, leurs
lieux communs moraux ou immoraux, leurs expressions pour désigner les employés,
les concurrents, la clientèle, vous avilissant, vous aplatissant devant ce
système qu’autrefois vous ne faisiez au moins que pactiser, dont vous pouviez
vous détacher au moins en paroles, et puis pendant un certain temps, au moins
dans vos paroles avec elle (Henriette, son épouse), vous y livrant maintenant
un peu plus aveuglément chaque fois en prétendant toujours que c’atait à cause
d’elle, que c’était pour qu’elle pût être mieux installée, avoir ce bel
appartement, pour que les enfants fussent mieux habillés, pour qu’elle neût
rien à vous reprocher comme lui disiez autrefois, avec ironie au début, vous
éloignant de plus en plus de vous et d’elle.” Plus loin, Léon
semble reconnaître sa jeunesse en la personne d’un passager du train qu’il
appelle Pierre, et qui voyage amoureusement avec une jeune femme que notre
cadre commercial baptise Agnès. C’est en adoptant ce parallèle et avec une
réflexion sur le temps qui passe et le sens de la vie qu’il exprime à nouveaux
ses états d’âmes (page 192, même édition) : « Dans dix ans que restera-t-il de vous, de cette entente, de cette
joie qui nie la fatigue, qui en fait une délicieuse liqueur que vous commencez
déjà à savourer. Qu’en restera-t-il lorsque les enfants seront venus, lorsque
vous Pierre, vous aurez avancé dans votre carrière peut-être aussi stupide que
la mienne ou pire, lorsque vous aurez sous vos ordres quantités d’employés que
vous paierez trop peu parce qu’il faudra bien que la boîte marche et que, vous,
ce n’est pas la même chose, lorsque vous aurez cet appartement dont vous rêvez,
quinze place du Panthéon. » Au passage, on aura pu relever, déjà à l’époque, l’emploi avec
un sens péjoratif de l’expression « boîte » pour désigner l’entreprise.
Ce n'est pas un rôle comique qu'interprète Muriel Robin dans Marie-Line, mais bien un personnage dur, confronté à des "injonctions contradictoires", comme on dirait dans le monde réel du travail. car au fond, Marie-Line n'est pas si méchante, et même humaine, elle le montrera dans quelque occasion. Mais pour avoir un emploi de chef d'équipe dans un équipe chargée du nettoyage d'un supermarché la nuit, elle doit jongler avec les compromis mais aussi faire face aux injonctions contradictoires comme on les rencontre dans le monde réel du travail. Prendre une carte du Front National, par exemple, pour satisfaire ses employeurs, et en conséquence se faire traiter de raciste, rudoyer ses collègues d'origine étrangère en situation irrégulière, toujours sous la menace d'une descente de police. Et en tant que chef d'équipe, s'assurer que le travail est fait correctement, assumant ici la fonction de "petit chef", pris entre le marteau et l'enclume, tel que le définit Maurice Thévenet dans son livre "Quand les petits chefs deviendront grands".
Le film de Mehdi Charef n'est pas sans rappeler Bread and roses de Ken Loach, déjà traité sur ce blog (voir cet article). Les deux fictions traitent des problèmes de travailleurs immigrés en situation régulière, dans un secteur d'activités identique, le domaine du nettoyage, mais l'oeuvre du maître britannique se veut plus politique, voire militante.
C'est en juin dernier que l'AFPA (Association pour la formation Professionnelle remettait son 1er prix du roman social. Une distinction qui honore "Un homme jetable" (Editions du moteur) oeuvre d'une jeune auteur, Aude Walker, 31 ans. Son livre raconte le parcours d'une jeune homme de 20ans qui sillonne la France pour réaliser des missions d'interim au sein de différentes centrales nucléaires. La coprésidente du Jury, Joy Sorman, romancière, a salué le "travail romanesque" de l'écrivain, tout en soulignant que te texte "donne à voir une réalité sociale assez méconnue: le travail dans
une centrale nucléaire". De son côté Aude Walker a apprécié cette récompense qui pour elle, constitue "un magnifique écho à la volonté de casser ce réflexe très français, qui consiste à ne pas laisser le roman et la littérature se mêler de la société".
Le comité de lecture de ce tout nouveau prix littéraire était composé d'une centaine de professionnels de la formation et de personnes en formation à l'AFPA, dont le directeur, Philippe CAÏLA estime que cet organisme "est légitime à susciter un prix sur le roman
social".
Dans la chanson d’expression française, le travail est plus
une source de lamentation que de satisfaction. Dans une chanson popularisée par Julien Clerc ou reprise entre autres par Alpha Blondy, le chanteur cajun ZacharyRichard préfère adopter une vie de bohème car « Travailler c’est trop dur et voler
c’est pas beau ». Plus récemment, le groupe Pink Martini nous
avouait « je ne veux pas travailler … », un titre écrit à partir du texte
« Hôtel » de Guillaume Apollinaire, ce qui peut expliquer le côté « rétro »
de l’interprétation. Dans un registre plus populaire, Henri Salvador nous
enseigne ironiquement en 1965, que « le travail c’est la santé » mais
que « ne rien faire, la conserver ». Si la chanson n’est pas d’une
grande portée philosophique, elle aborde cependant la question de l’intérêt de
sacrifier une vie entière au labeur pour finalement ne pas en profiter, et
fustige aussi le stress des hommes d’affaires. Dans une approche similaire, Gérard Rinaldi, récemment disparu, compose en 1971 avec Luis Rego le fameux « Merci
patron » interprété par leur célèbre groupe Les Charlots. Cette fois, les
ouvriers remercient leur employeur de leur permettre de souffrir, ils s’avouent
honteux de lui prendre de l’argent en contrepartie, et vont même jusqu’à lui
proposer d’inverser leurs rôles.
Enfin, et si la relation au travail est moins flagrante, on
pourra noter le « Poil dans la main, payé à rien foutre » de Jacques
Higelin qui dans ce texte encourage au farniente plus qu’à s’élever contre le
travail en lui-même.
L'origine ou la raison ne sont pas clairement identifiés, mais la Cité des Sciences et Le Hall de la chanson se sont associés pour proposer une page contenant, selon leurs termes "un florilège d'oeuvres musicales évoquant les liens entre chansons et travail". Une sélection intéressante à retrouver à cette adresse.
Nul besoin de présenter Ken Loach, le cinéaste britannique, auteur de plusieurs films à connotation sociale. "Bread an roses" (Du pain et des roses) présente la particularité de se situer non pas en Angleterre, mais à Los Angeles. L'histoire se déroule dans les années 90 et raconte la lutte que mène des agents de nettoyage de grands buildings pour faire reconnaître leurs droits. C'est avant tout de la dignité que réclament ces travailleurs immigrés, des femmes essentiellement, qui faute d'une situation régulière doivent supporter tous types de brimades. Un jeune syndicaliste maladroit sera le catalyseur d'un mouvement social qui contribuera à améliorer les conditions de travail de ces esclaves d'un nouveau genre. "Bread an roses", inspiré d'une histoire vraie, emprunte son titre à un slogan d'un mouvement ouvrier dont le nom est tiré du titre d'un poème de James Oppenheim (1911).