dimanche 24 février 2013

Les conditions de travail dans un programme de téléréalité sur M6 : "Patron incognito"

Pour l’entreprise, l’objectif de départ de ce programme n’est pas des plus évidents, si ce n’est de vérifier la qualité des prestations fournies aux clients. C’est ainsi que Guillaume Richard, le sémillant Pdg de O2, société spécialisée dans le secteur des services à la personne, annonce religieusement aux membres de son conseil d’administration, à peine surpris, qu’il va s’immerger au plus profond de sa structure. Grimé, il va se faire passer pour un nouveau collaborateur dans différentes agences de son groupe. « Pendant une semaine !» annonce-t-il cérémonieusement.
L’idée de ce « Patron incognito » pourrait être intéressante, n’était-ce le côté « voyeur » imposé par ce format de Téléréalité diffusé sur M6, produit par Endemol et qui est l’adaptation du Undercover Boss de la chaîne britannique Channel 4 . Au premier abord, l’expérience semble concluante. Le patron découvre les conditions de travail de ses employés, et s’extasie devant leur courage, leur professionnalisme, et le soin particulier qu’ils mettent à« tutorer » ce nouveau collègue, il est vrai bien empoté. La prévention des risques est scrupuleusement respectée, les gestes et postures soigneusement inculqués et appliqués. Il n’y a qu’à une occasion où il est permis de s’interroger, c’est lorsque l’on voit Guillaume porter un bambin sur ses épaules, en pleine rue, ce que ne semble pas remarquer sa tutrice, elle qui est habituellement si vigilante sur la sécurité et sur la proximité qu’il est interdit de cultiver avec les enfants. 


D’un point de vue des constats, que ce soit pour le jardinage ou le nettoyage, le manque de moyens est mis en lumière, ainsi que le non-respect des procédures, mais jamais au détriment des clients, bien entendu. Car les salariés de O2 sont investis d’un fort sentiment d’appartenance, et ils aiment leur métier, malgré les insuffisances de leur employeur, qui ne leur permet pas d’accéder à leur souhaits :  augmentation du nombre d’heures pour l’une, création d’une activité complémentaire pour un autre, ou migration vers des fonctions managériales ou tutorales pour une autre. Ne pouvant  évidemment pas dévoiler son identité, Guillaume Richard prenant les téléspectateurs à témoin, s’engage à considérer les requêtes de ses collègues d’un jour, et à améliorer leur sort.
L’émotion, incontournable dans le genre téléréalité, nous est fournie par cette galerie de portraits d’individus authentiques, prêts à partager un repas avec un inconnu, mais ne le ménageant pas, à grands coups de mise en scène. Patricia se plaint devant la caméra, mais en aparté : « je n’ai pas que ça à faire », pendant que son Pdg se débat avec un fer à repasser ; elle se retiendrait presque pour ne pas le massacrer. C’est d’ailleurs le second effet « spectaculaire » : voir le dirigeant se dépatouiller avec le nettoyage des toilettes, se démener avec une cisaille pour tailler une haie, ou appréhender le changement de la couche culotte d’un bébé.


Enfin, arrive le grand moment où chacun des collègues est convoqué au siège pour voir leur patron baisser le masque et révéler son identité. Il est légitime de se demander ce que l’on a bien pu dire à ces salariés pour les faire venir. Et comment justifier la présence de la caméra pour cette scène finale ? Aucune explication n’est avancée, alors que pour le reste de l’émission, c’est le prétexte d’un reportage sur un « chômeur en reconversion » qui justifie la présence d’une équipe de télévision. Mais ce n’est pas la moindre des incohérences. Car si cette émission est une excellente publicité pour les services à la personne, on y entend même parler des avantages qu’ils peuvent générer, et aussi un outil de promotion idéal pour la société O2, il est légitime de se poser quelques questions essentielles. Pourquoi, par exemple, faut-il attendre cette expérience pour que l’entreprise se rende compte de tels dysfonctionnements, dont l’un des plus criants est sans doute le manque d’hygiène dans l’une des agences, un comble pour des experts du nettoyage ! Mais le plus croustillant c’est de noter le manque de respect de différentes procédures internes dont la responsable nationale n’est autre que l’épouse de Guillaume Richard. Mais ça, M6 ne le relève pas. Pas plus qu’elle ne peut expliquer comment fera Patricia pour assurer sa tâche avec un quart d’heure de travail effectif en moins puisque c’est le temps qu’elle doit normalement prendre pour ses déplacements.  A moins que ne ce soit au détriment des clients ?
Mais le plus gros reproche que l’on peut faire à notre entrepreneur à la tête de la 1ère entreprise de services de France et ses 140 agences, forte de ses 27 000 clients, c’est que ses salariés doivent attendre cette émission pour accéder à leurs souhaits d’évolution. Heureusement, il suffit d’appuyer sur le bouton M6 de l’ascenseur social pour voir leurs souhaits exaucés. Le spectateur ne manquera pas d’être impliqué, car si chacun d’entre nous faisait appel à O2, cette entreprise pourrait peut-être enfin proposer des temps pleins à ses puéricultrices. Ou embaucher sans aucune qualification, comme elle fait avec ce demandeur d’emploi, de parfaits inconnus pour leur confier les maisons, les jardins ou pire, les enfants de ses clients ? Et déléguer à de jeunes diplômés, sans aucune formation interne particulière le recrutement de ces nouveaux collaborateurs, comme on le voit dans l’une des agences ? Enfin, nous ne saurions que trop conseiller à notre super Pdg de débarrasser la table après le déjeuner avant de retourner travailler, ou du moins de le proposer au collègue qui l’a généreusement invité,  et surtout de ne pas se vautrer sur le lit dans sa chambre d’hôtel, les chaussures au pied. Un patron se doit d’être exemplaire, le respect du travail des autres est la première des qualités ...
Guillaume Richard au Salon des services à la personne en 2011 :
Sur cette émission, voir également l'article de Management de Mars 2012.

lundi 18 février 2013

Le travail dans les arrières cuisines d’un palace parisien après la guerre : Les caves du Majestic, film de Richard Pottier (1945)


D’un point de vue purement cinématographique, il n’est pas certain que cette version de l’un des romans policiers de Georges Simenon passe à la postérité, elle offre cependant un portrait original  du commissaire Maigret. Le célèbre policier, interprété cette fois par Albert Préjean, est tout autre que l’enquêteur posé et réfléchi qu’il est donné de voir habituellement : ici, il n’hésite pas à séduire, à se faire passer pour un truand, à faire le coup de poing, et même à mettre sur pied un jugement de Salomon, autour d’un dîner où il rassemble le père putatif d’un enfant et son père naturel.
Sur les conditions de travail dans les bas-fonds des palaces parisiens, un métier spécifique est identifié, celui de « cafetier », dont la tâche consiste à préparer les boissons chaudes à toute heure de la journée. Il commence très tôt, dès 6 heures du matin, afin de préparer les petits déjeuners, et doit pointer, comme à l’usine. Le retard d’une dizaine de minutes de Donge, l’un de ces cafetiers, sera d’ailleurs l’un des éléments déterminants dans l’enchaînement des faits, le matin du crime.

Pendant la journée, c’est par un système pneumatique que les commandes sont adressées à Ramuel,  le contrôleur du Majestic, une espèce de surveillant général cloitré derrière un bureau vitré d’où il peut tout observer. Il les transmet lui-même au personnel des cuisines ou à Donge, qui tient ses cafetières et chocolatières au chaud, dans le four d’une cuisinière. La journée se termine tardivement, car bien que l’on soit loin des conditions de travail d’avant-guerre décrites par Georges Orwell dans « Dans la dèche à Paris et à Londres » dont nous parlerons prochainement, la semaine de 35 heures n'est pas à l'ordre du jour.
Dans "Les caves du Majestic", ce film de Richard POTTIER, et parmi les autres métiers spécifiques de ces grands hôtels de l'époque, largement occupés par des résidents permanents, il faut aussi noter celui de danseur. Parfois appelé "taxi boy", dont le rôle était de distraire les femmes laissées seules par leurs maris éloignés de la capitale par un voyage d'affaires, ou partis rejoindre leurs maîtresses à deux pas d'ici. 
Le roman de Georges Simenon devrait nous apprendre plus sur les conditions de travail de l'époque dans le secteur de l'Hôtellerie-restauration.


dimanche 10 février 2013

Un téléfilm allemand sur le harcèlement au travail sur Arte


Nonobstant les différences culturelles existant entre nos deux pays, à l’instar de la France, l’Allemagne est également touchée par le problème du harcèlement au travail. Le mal être que subissent les salariés en entreprise ne devrait donc rien à notre tempérament latin, c’est le premier enseignement de ce téléfilm d’outre Rhin sobrement intitulé « Harcèlement » (Mobbing), diffusé récemment sur Arte dans le cadre d'une soirée Thema.
L’histoire narre la lente déchéance professionnelle d’un cadre d’un service culturel d’une municipalité allemande, marié et père de deux enfants. Le scénario est plutôt bien ficelé, la pression monte progressivement, bien que dans la réalité l’évolution de ce genre de phénomène soit plus sournoise. Ici, les événements sont prévisibles, de l’annonce de l’arrivée d’une nouvelle responsable de service, au simulacre de réintégration du principal protagoniste après son licenciement pour faute lourde, en passant par le départ d’un collègue que Jo  prendra comme une véritable trahison.
Les symptômes décrits  sont assez caractéristiques de cette situation : perte d’estime de soi et  dépression qui entraîneront alcoolisme, violence conjugale, verbale et même physique exacerbée par l’incompréhension d’Anja, l’épouse de Jo. Elle fait pourtant preuve d’une extrême lucidité. En parlant par exemple de la responsable tyrannique que l’on ne verra jamais, en ces termes : « Elle ne vous voit pas comme une menace ? ». Ce qui rappelle immanquablement le syndrome du « petit chef ».
Comme l’écrit Isabelle Poitte dans Télérama, « l’agresseur n’a pas de visage » ce qui accentue l’impression d’impuissance de la victime. La parti pris de montrer la déchéance depuis la cellule familiale et essentiellement au travers du regard de l’épouse peut rappeler dans un autre contexte la position de Brigitte (Barbara Schulz) dans un autre téléfilm, français cette fois, « Seule » dont nous avons parlé dans cet article, l’un des plus consultés de notre blog.

"Harcèlement" de Nicole Weegman (Mobbing, Allemagne - 2012) avec Susanne Wolff et Tobias Moretti.

lundi 4 février 2013

"La Charrette", une chanson de Florent Marchet

La relation au monde de l'entreprise n'est pas toujours évidente, dans cette chanson de Florent Marchet, un artiste d'origine berruyère. Si, dans le refrain, il est bien question de "charrette", un terme actuellement moins usité, mais employé à l'origine pour désigner la liste des salariés d'une entreprise touchés par un plan de licenciement colectif, seul le mot "usine" trouvé dans le dernier couplet se rapporte à l'entreprise. Les références à la famille et aux enfants peuvent laisser poindre une situation dramatique, mais ce sentiment est contrebalancé par un départ en vacances et des promesses de ballade en forêt, plus proches d'un départ en préretraite qu'un licenciement pur et dur.
Pour retrouver les paroles, fautes d'orthographe incluses, consulter le site www.www.parolemania.com.
Dans les années 70 et 80, "faire partie de la charrette" prenait souvent un ton dramatique, la société n'était pas encore rompue aux nombreuses suppressions de postes, et l'expression elle même n'était pas sans rappeler l'image des condamnés conduits à l'échafaud dans ce véhicule hippomobile.
Aujourd'hui, dans le monde de l'entreprise, le terme "charrette" s'emploie pour qualifier la difficulté à faire face à une échéance, pour, par exemple, terminer un projet dans les temps. D'après  wikitionnary.org l'éthymologie en est d'ailleurs très précise.

Nous vous conseillons cette video de "La charette" un titre aux sonorités entraînantes :

mercredi 30 janvier 2013

Conséquence du harcèlement en entreprise dans une série policière française (La Crim' - 2006)



La Crim’ est une série policière française qui a été diffusée sur France 2 entre 1999 et 2006. De conception assez moderne, mais faisant la part belle à l'histoire des protagonistes et à leurs relations entre eux, les intrigues suivaient souvent la même trame avec un ou des premiers suspects qui finalement étaient innocentés au détriment des vrais coupables, avec plus ou moins de rebondissements.
Parmi les principaux interprètes figuraient Clotilde de Bayser puis Isabel Otero, dans le rôle du commandant en chef,  et, toujours du côté des policiers Jean-François Garreaud, commandant "vieille france", Dominique Guillo en séducteur, Didier Cauchy, policier instable, Teco Celio flic au comportement tutoyant le proxénétisme ou encore Agathe de La Boulaye ou Vanessa Lhoste.
Les crimes commis concernaient le milieu du banditisme, ou étaient conditionnés par des motifs financiers, des affaires de coeur ou de famille. Un épisode a pris cependant pour cadre le monde de l'entreprise, le 3ème de la 6ème et ultime saison en 2006, intitulé très simplement "Esprit d'entreprise". L'histoire débutait par le suicide d'une cadre d'une entreprise parisienne, qui se défenestre. Les soupçons se portent sur son ex-mari, puis sur son supérieur hiérarchique aux méthodes managériales tyranniques. L'équipe de La Crim' prouvera qu'il s'agit bien de la conséquence d'un harcèlement, mais devra d'abord surmonter la loi du silence qui règne dans ce genre de situation. Nous conservons le souvenir d'un scénario et d'une interprétation réaliste sur un sujet qui n'est pas sans rappeler l'excellent téléfim "Seule" que nous avons déjà traité dans ce blog.
Enfin, pour cet épisode réalisé par Eric Woreth , figuraient au générique les acteurs suivants : Christian Charmetant, Thierry Godard et Nathalie Grandhomme.

mardi 15 janvier 2013

Cinéma : Mammuth, pas une retraite de réussie pour Depardieu avant sa retraite de Russie

Avant sa retraite en Russie dont la presse s’est fait largement l’écho, Gérard Depardieu était à l’affiche d’un film qui ne traitait pas du monde du travail, mais de la fin de carrière, et donc du départ à la retraite. Bien que réalisé par les fantasques auteurs de Groland, la mythique émission de Canal +, le sujet de la retraite est abordé dans un premier temps sobrement, bien servi par un Gérard Depardieu dans le rôle de Serge Pilardosse, ouvrier des abattoirs, et Yolande Moreau, qui joue son épouse, elle-même employée de grande surface. Les premières scènes apparaissent très réalistes, les gestes de Pilardosse maniant la scie ou le couteau pour couper la viande sont précis, les situations vécues par son épouse dans le supermarché qui l’emploie sont plausibles, comme par exemple le stress généré par sa peur de « finir » au rayon poissonnerie.
Le départ à la retraite de Pilardosse reste crédible et en rien caricatural, n’était-ce la teneur du cadeau qui lui est remis à cette occasion, un puzzle, et le fait que le bénéficiaire ignore en tout point ce qu’il va percevoir.  Dans la réalité, le salarié demande une situation au regard de la retraite à la CARSAT (ex-CRAM) ce qui détermine son choix de faire valoir ses droits ou pas.
Notre principal protagoniste se retrouve dans une situation compliquée puisque ses anciens employeurs ne l’ont pas tous déclaré et versé les cotisations correspondantes aux caisses de retraite obligatoires ou complémentaires. La quête de ses points de retraite sera l’objet d’un road movie qui l’ emmènera sur la route de son passé au travers de scènes surnaturelles dans lesquelles les réalisateurs, Benoît Delépine et Gustave Kervern laissent libre cours à leur imagination, dans l’esprit des Groland.

mardi 4 décembre 2012

Festival du film de Turin : un prix du film ouvrier et Ken Loach refuse une récompense

Le réalisateur britannique Ken LOACH a refusé le Grand Prix que souhaitait lui décerner le jury du Torino Film Festival, en réaction au traitement réservé au personnel de nettoyage et de gardiennage du Musée du Cinémade Turin, associé à ce festival cinématographique turinois. Les salariés se sont vus obligés de signer de nouveaux contrats de travail, avec une baisse de salaire, suite à la reprise par une société extérieure de leurs prestations. Deux d’entre eux ont été licenciés suite à leurs protestations, ce sont des syndicats qui ont prévenu le maître, lui-même très impliqué dans la défense des travailleurs. Il a par exemple réalisé Bread and roses, qui traitait de la révolte de femmes et d’hommes de ménage mexicains employés à Los Angeles.

Le festival  du film de Turin distingue entre autres une oeuvre à caractère ouvrier ; cette année c'est le film Nadea e sveta de l'italienne Maura DELPERO qui a été primé.

mercredi 21 novembre 2012

"Building" : une pièce de théâtre sur le monde de l'entreprise

Réalisée par Catherine SCHAUB, cette pièce est interprétée entre autres par Leonore CONFINO, qui en est l'auteur. L'histoire se déroule succivement dans chacun des étages  d'un bâtiment de 13 étages, occupés par les services de Consulting Conseil, l'entreprise qui occupe ce building qui donne le titre de ce spectacle. Les jeux de scènes sont vivants, parfois chantés, toujours rythmés de manière à faire ressentir la pénibilité du travail et le stress latent subi par les différents salariés de l'entreprise : hôtesses, comptables, agents d’entretien, cadres, directeurs des ressources humaines, chargés de communication ... Les dialogues et l'interprétation semblent mettre habilement en évidence la déhumanisation provoquée par la pression induite par la recherche permanente d'atteinte des objectifs impulsée par les actionnaires.

Faute d'avoir vu cette pièce qui fut montée début 2012 au Théâtre Mouffetard malheureusement fermé maintenant, et cher à Pierre SANTINI, nous recommandons cette excellente  analyse sur Voilà le travail le blog d'Elsa FAYNER consacré au monde du travail, et dont l'une des catégories se penche plus particulièrement sur le monde du travail dans la Culture. Elsa FAYNER est par ailleurs responsable de Rue89-Eco depuis mars 2012.

Pour voir la bande annonce :

 



"Building" - Théâtre Mouffetard, à Paris - Coproduction Les Productions du Sillon (compagnie en résidence au Théâtre de Poissy), la Fédération d’Associations de Théâtre Populaire, le Théâtre de Poissy, le Théâtre de Saint-Maur, le Théâtre Montansier et Act.
De Leonore CONFINO - Mise en scène Catherine SCHAUB
avec Bruno Cadillon, Léonore Confino, Olivier Faliez, Yann de Monterno, Miren Pradier
création musicale R. Jéricho et Aldo Gilbert – chorégraphies Magali B. – scénographie Sophie Jacob – Lumières Vincent Grisoni et Marc Gingold – costumes Julia Allègr



samedi 10 novembre 2012

Table-ronde/débat "DRH & Cinéma : une profession au banc des accusés ?" à l'IGS le 14 novembre 2012

Le Groupe IGS est une école en management,  gestion des ressources humaines, commerce, marketing ...basée sur le concept d’Université Professionnelle Internationale. Elle dispose d'un CFA qui propose des cursus en apprentissage. Un groupe de 22 apprentis du CFA IGS en Cycle Master Pro 2 « Ressources Humaines » a participé à une étude menée depuis un an sur la vision du rôle du DRH, le Directeur des Ressources Humaines, qu'offre le cinéma.

Les résultats de ces travaux seront présentés le 14 novembre prochain au cinéma "L'Archipel", 17 Boulevard de Strasbourg - Paris 10 ème, sous forme d'un court-métrage, suivi d'un débat auquel participeront entre autres le romancier et réalisateur Gérard Mordillat dont nous parlerons prochainement dans ce blog au sujet du téléfilm "Les vivants et les morts" et le journaliste David ABIKER. Ce dernier a d'ailleurs vanté sur son blog la qualité de nos publications à partir desquelles il se soit semble-t-il documenté pour préparer son intervention. Un honneur qui nous est fait tant nous apprécions la passion, l'esprit et la  truculence de ce chroniqueur.

Pour s'inscrire, il suffit de cliquer sur ce lien.

dimanche 21 octobre 2012

Les états d’âme d’un cadre commercial des années 50 dans "La modification" de Michel BUTOR


Dans ce roman de 1957 écrit par Michel BUTOR pour lequel il obtint le prix Renaudot, la profession du principal protagoniste n’est qu’un prétexte. Celui de voyages réguliers entre Paris et Rome où se trouve le siège de la Scabelli, la firme de machines à écrire dont notre personnage est le responsable commercial pour l’hexagone. L’ensemble du récit qui se déroule dans le train lors d’un voyage entre les 2 capitales sera l’objet d’une longue réflexion sur l’issue d’une relation que Léon Delmont entretient avec Cécile, une jeune italienne. Partant de la gare de Lyon avec la ferme intention de lui annoncer qu’il “l’installera” à Paris pour vivre avec elle, abandonnant femme et enfants, le voyage jusqu’à Stazione Termini l’amènera  à modifier ses desseins comme l’indique le titre de ce livre.
Sur son métier nous n’apprendrons que peu de choses, si ce n’est qu’il rencontre des clients à l’occasion de repas d’affaires et qu’il visite ses commerciaux disséminés sur le territoire français. Ce que l’on peut noter toutefois, ce sont ses états d’esprit, à l’occasion de rares passages, comme par exemple page 145 (editions de Minuit Coll. “Double” 1980) :
“... parce que chaque fois plus amère encore la différence s’affirmait entre cette vie plus libre et plus heureuse dont l’air romain vous avait donné l’espérance, et l’oppression, la charge parisienne sous laquelle elle s’enfonçait, parce que chaque fois vous lui apparaissiez vous trahir un peu plus vous même à Paris dans cette occupation de plus en plus fructueuse finacièrement, encore que celà ne dapassa point, certes des limites fort contraignantes et dont vous vous efforciez de plus en plus de vous cacher l’absurdité, abandonnant à chaque fois, à chaque relation commerciale que vous invitiez à dîner, un peu plus de votre fierté et de votre sens ancien, prenant peu à peu leurs rires bas, leurs lieux communs moraux ou immoraux, leurs expressions pour désigner les employés, les concurrents, la clientèle, vous avilissant, vous aplatissant devant ce système qu’autrefois vous ne faisiez au moins que pactiser, dont vous pouviez vous détacher au moins en paroles, et puis pendant un certain temps, au moins dans vos paroles avec elle (Henriette, son épouse), vous y livrant maintenant un peu plus aveuglément chaque fois en prétendant toujours que c’atait à cause d’elle, que c’était pour qu’elle pût être mieux installée, avoir ce bel appartement, pour que les enfants fussent mieux habillés, pour qu’elle neût rien à vous reprocher comme lui disiez autrefois, avec ironie au début, vous éloignant de plus en plus de vous et d’elle.”
Plus loin, Léon semble reconnaître sa jeunesse en la personne d’un passager du train qu’il appelle Pierre, et qui voyage amoureusement avec une jeune femme que notre cadre commercial baptise Agnès. C’est en adoptant ce parallèle et avec une réflexion sur le temps qui passe et le sens de la vie qu’il exprime à nouveaux ses états d’âmes (page 192, même édition) :

« Dans dix ans que restera-t-il de vous, de cette entente, de cette joie qui nie la fatigue, qui en fait une délicieuse liqueur que vous commencez déjà à savourer. Qu’en restera-t-il lorsque les enfants seront venus, lorsque vous Pierre, vous aurez avancé dans votre carrière peut-être aussi stupide que la mienne ou pire, lorsque vous aurez sous vos ordres quantités d’employés que vous paierez trop peu parce qu’il faudra bien que la boîte marche et que, vous, ce n’est pas la même chose, lorsque vous aurez cet appartement dont vous rêvez, quinze place du Panthéon. »
Au passage, on aura pu relever, déjà à l’époque, l’emploi avec un sens péjoratif de l’expression « boîte » pour désigner l’entreprise.