Au cinéma, au théâtre ou dans la littérature, le métier et le statut des protagonistes ou leur environnement professionnel peut avoir une incidence sur l'intrigue. Et parfois, c'est le monde de l'entreprise lui même qui fait l'objet du scénario. Volontation propose un panorama des conditions de travail dans la littérature, au théâtre, au cinéma, à la télévision ou dans la chanson ...
C'est à partir d'une œuvre d'Eric Reinhardt que Frédéric Fisbach a monté cette pièce, dans laquelle Anne Consigny interprète une DRH qui se débat dans un monde masculin. Elle doit faire face à des conflits sociaux et des fermetures de sites car son entreprise est détenue par un fonds de pension américain. Un événement dramatique bouleversera sa position au risque de se faire anéantir par le système, sur fond d'intrigues politico-financière et de mondialisation. Elle cherchera une issue par la quête du sens premier de "l'équité".
Dans cette pièce, l'entreprise et y est appréhendée d'un point de vue original, celui d'une cadre supérieure. C'est du moins l'analyse qu'en fait Gilbert Edelin, co-créateur du blog "Théâtre et entreprise", un site extrêmement bien documenté sur le monde du travail et la façon dont il est abordé dans le théâtre, créé par l'association du même nom.
Voici un extrait de l'article qui peut être consulté à cette adresse : "D'abord, s'il n'est pas si fréquent que le théâtre s'intéresse au social, au monde du travail, à l'entreprise, il est rarissime qu'on y traite des cadres supérieurs, placés entre leur loyauté à l'entreprise et leurs valeurs humaines. Cette "caste" avec ses privilèges mais aussi ses contraintes est un sujet que le radar des médias et de la culture n'accroche pas: malgré son rôle dans les conflits sociaux on n'aborde en général l'entreprise que par la base, qui s'exprime plus naturellement et plus facilement par ce canal, qui est même un outil de lutte."
Production Théâtre du Rond-Point / Le Rond-Point des tournées, coproduction Théâtre Liberté / Toulon, Cie Frédéric Fisbach Le texte a été publié le 3 novembre 2013 aux éditions Stock.
C'est d'un roman de Régis Serange que Sébastien Grall a adapté ce téléfilm, "Surveillance" qui se déroule en grande partie dans les parties cachées d'un hypermarché. L'histoire est captivante, bien que comme l'écrit Hélène MARZOLF dans Télérama "le scénario s'emberlificote en accélération et prises de conscience peu crédibles, jusqu'à un dénouement expéditif et héroïque" qui transforme "cette critique de la société du flicage en épilogue de polar banal".
La trame prend corps avec l'embauche de Pierre ( Thomas Jouannet) en qualité d'agent de sécurité au sein de l'hypermarché ENO Center. Il sympathise avec Léa (Léonie Simaga) qui deviendra sa maîtresse, bien que toute relations entre employés soit interdite. Puis avec son zèle empreint d'intégrité, il gravira tous les échelons de la hiérarchie du service pour prendre le poste de responsable adjoint de la sécurité, en bénéficiant de la bienveillance de son supérieur judicieusement interprété par François Berléand. Notre jeune recrue, à qui l'entreprise tarde à délivrer son contrat de travail et qui lui verse des primes en espèces sonnantes et trébuchantes, des pratiques qui n'ont normalement plus cours dans la grande distribution, mettra à jour un trafic d'échange d'appareils d'électroménager, auquel participent des salariés et dans lequel trempe le Directeur Général Adjoint (Alexandre Steiger). Mais son chef lui demandera de ne pas révéler l'affaire, puisque lui est aussi est complice de ce remplacement d'articles de de contrefaçon, les appareils neufs étant écoulés par une entreprise dirigée par l'épouse de Sauveterre, le Directeur Général Adjoint.
Pierre devra également assurer une surveillance rapprochée sur la personne du Directeur Marketing (Francis Perrin), syndicaliste, qui, acculé, mettra fin à ses jours dans une chambre d'hôtel lors d'une tournée auprès des fournisseurs.
Réaliste ou non, cette référence aux conditions de travail n'est pas laseule dans ce téléfilm. La surface de vente n'est pratiquement pas montrée, sauf au travers du prisme de l'objectif des caméras de surveillance. ce sont donc les parties obscures du magasin qu'il est nous est permis de voir : salle de contrôle, lingerie, bureaux de la direction et réserves. Evidemment, ce sont les la sécurité et le contrôle qui sont mis en avant, les relations entre hiérarchie et subalternes apparaissent rudes, froides, c'est un management très directif qui est adopté. Le responsable sécurité est du type "old school", espérons-le, décomptant par exemple les pauses pipis du temps de travail. Il ne recule devant rien pour faire baisser le taux de démarque, c'est à dire le pourcentage de Chiffres d'Affaires parti en perte ou en vol : surveillance poussée au harcèlement, pression, implantation de caméras dans les toilettes du personnel féminin ... Il passe son temps dans son bureau à contrôler et à vider sa bouteille de whisky.
Le Directeur Général Adjoint, quant à lui, va jusqu'à cacher de l'argent dans les affaires d'une hôtesse de caisse pour exercer un chantage et lui imposer une relation sexuelle. Le travail de ces "caissières" est survolé, seul le fameux SBAM, la formule mnémotechnique "Sourire-Bonjour-Au revoir Merci" revient à plusieurs reprises. il est par ailleurs surprenant de trouver la fonction de Directeur Marketing dans un magasin, même de taille imposante, d'autant plus qu'il démontre de la sympathie, voire de la complicité avec les fournisseurs, ce qui n'est pas la règle dans la Grande Distribution. Et le référencement et les négociations sont plutôt l'apanage des managers de rayons. Des concessions faites à la réalité au service du scénario de cet excellent téléfilm qui fait penser à Marie-Line, un film traité dans ce blog qui abordait entre autres des relations dans une équipe de nettoyage affectée à un supermarché.
La "Fabbrica" est une pièce appartenant à un genre à part, le théâtre-récit. Dans la lignée de Dario Fo, l'auteur, Ascanio Celestini, décrit "le vécu physique de l'usine", au travers d'histoires ou de luttes syndicales, mais aussi l'apprentissage par l'observation et la répétition des gestes. L'ouvrier n'est pas capable d'expliquer son métier à l'aide de paroles,c'est son corps qui le vit et le mémorise. C'est donc par des gestes et des attitudes qu'il peut l'exprimer.
Ascanio Celestini, lui-même fils d'ouvrier, dresse aussi un panorama de la réalité industrielle et politique de l'Italie du 20ème siècle, au travers de l'histoire des travailleurs que sont le chef manœuvre amputé d'une jambe, son père et son grand-père, tous trois prénommés Fausto, ou du patron de l'usine. Autour d'un haut fourneau et de ses températures insupportables, la légende de l'industrie se construit : "Celle de l'origine où les ouvriers étaient forts comme le bronze et hauts comme les géants; celle des ouvriers aristocratiques rendus indispensables à la production jusqu'à être exemptés du service militaire durant la Grande Guerre et tolérés par le régime fasciste malgré leurs idées communistes ou anarchistes; et enfin la période contemporaine avec une usine qui réduit le nombre de ses travailleurs." (Source : www.théatre-contemporain .net).
Ascanio Celestini à la foire du livre de Turin en 2008 (Wikipedia.fr)
C'était mercredi dernier, le 09 octobre 2013, France 2 proposait une soirée sur le thème "Burn Out : quand le travail nous fait craquer". Pour illustrer le sujet, et lancer le débat animé par Benoît DUQUESNE, il nous était proposé de voir un téléfilm de Didier BIVEL, "12 jours ailleurs", avec pour les 2 rôles principaux, Didier BOURDON et Judith CHEMLA. Le premier y interprète un acheteur omnipotent et manipulateur d'un hypermarché, qui, subitement, est lui-même victime d'un jeu de chaises musicales qui lui fera perdre son pouvoir, donc sa raison d'exister, et le fera tomber dans une grosse dépression que l'on qualifiera de "burn-out". Le phénomène n'est pas ici seulement lié à un surinvestissement dans le travail, mais autant à une perte de pouvoir. Et très certainement à un manque de reconnaissance, que Vincent, le personnage joué par l'ex "Inconnu", trouvera finalement en apportant son aide à une malade mentale, Hélène, qu'il rencontrera lors de cette période de 2 semaines de convalescence qu'il effectue en clinique psychiatrique.
Cette fiction nous délivre peu d'éléments sur les situations professionnelles et les conditions de travail. Si quelques scènes se déroulent en entreprise, ou sur les sites de fournisseurs que cet acheteur s'acharne à étrangler, au mépris de tout respect humain, l'essentiel de la trame se déroule au sein de l'établissement médical ou dans le foyer de ce cadre mis au ban du monde du travail. L'épouse, incarnée par Agathe DRONNE, assurera un rôle clé dans la reconstruction de Vincent, comme souvent dans la réalité, pour peu que la victime parvienne à s'épancher et à dépasser l'opprobre qui s'abat sur lui.
Les deux principaux interprètes de ce téléfilm ont obtenu une récompense au festival de Luchon pour leur interprétation.
Dans cette chanson de 2010, au rythme entraînant, Daniele SILVESTRI exprime d'abord sa désillusion pour "la petite botte", c'est à dire l'Italie, qu'il ne veut plus habiter, mais surtout pour l'inutilité du travail dans sa patrie : " Mon travail est inutile, futile même, déplaçable, remplaçable, régulièrement rançonné ... mon travail est fait de plastique qui peu à peu me vole l'âme ...".
Le premier couplet se poursuit, le ton se durcit : " le travail rend noble, je ne sais pas, peut-être, mais il rend certainement libre de se suicider, et moi je me suis brisé, je me suis brisé, je n'ai plus envie d'habiter la botte, ça n'a plus de sens de rester" ; il continue en remerciant, toutefois, "merci pour tout" et avant d'enchaîner avec le refrain, il conclue ce premier couplet "j'attends encore la fin du mois et j'arrête".
Mais pourquoi attendre la fin du mois, est-on en droit de se demander, puisque l'issue semble malheureusement fatale ?
Le refrain aborde un champ plus politique ou philosophique, "Le monde est précaire, la terre que je foule est flexible", un vocable qui n'est pas sans rappeler la mondialisation et ses effets, "la nuit est atypique, la poussière qui se soulève volatile ... la glace qui fond n'est pas pérenne, l'air non plus, il s'épuise, la seule incertitude est Quand".
Le second couplet continue dans un registre politique, puisque "Le monde est précaire, même si c'était normal, cette botte me semble encore plus précaire, elle s'effondre dans un tas de saletés, et ceux qui l'ont compris s'en vont". Puis, pour descendre sur les conditions de travail de manière plus précise, il prend à partie un individu, lui-même peut-être "toi au contraire, tu ne l'as pas compris et tu serres les dents derrière un bureau sans même avoir le temps de regarder dehors pour voir que toutes les couleurs changent et tout autour de toi, les gens s'agitent, bougent toujours". C'est alors l'impuissance qui est exprimée "Quelqu'un crie, mais personne n'entend cette protestation, il n'y a pas de futur à défendre, il y a seulement le présent, et encore à sauver il n'y a rien ou presque, mon amour, je ne résiste pas, je voudrais te convaincre de me rejoindre mais je n'y parviens pas, et je n'insiste pas". La fin de ce deuxième couplet verse dans le tragique, "toi, tu réussis encore à ne pas voir que le mauvais côté, moi au contraire, j'y ai renoncé, je dois m'en aller, merci pour tout".
Enfin, entre la répétition des 2 derniers refrains, s'intercale un couplet restreint, en forme de jugement dernier, porteur d'espoir ou de désespoir éternel : "Et alors le temps s'arrêtera, à l'improviste, et qui s'aimait pourra s'aimer pour toujours, Et alors le temps s'arrêtera, à l'improviste et qui se détestait se détestera pour toujours".
Le texte original en italien :
Mi sono rotto, io mi sono rotto,
non ho più voglia di abitare lo Stivaletto
non ha più senso rimanere grazie di tutto
aspetto ancora fine mese poi mi dimetto
Tanto il mio lavoro è inutile, diciamo futile
essenzialmente rimovibile, sostituibile, regolarmente ricattabile
il mio lavoro è bello come un calcio all'inguine dato da un toro
il mio lavoro è roba piccola fatta di plastica
che piano piano mi modifica, mi ruba l'anima
dice il lavoro rende nobili non so può darsi,
sicuramente rende liberi di suicidarsi
e io mi sono rotto, io mi sono rotto,
non ho più voglia di abitare lo Stivaletto
non ha più senso rimanere grazie di tutto
aspetto ancora fine mese poi mi dimetto
Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio che si sta sciogliendo, non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando
Precario il mondo si finchè è normale
ma sembra ancora più precario questo stivale
che sta affondando dentro un cumulo di porcheria
e quelli che l'hanno capito vedi vanno via
e invece tu non l'hai capito, non l'hai capito
e stringi i denti dietro un tavolo dentro a un uffficio
senza nemmeno avere il tempo di guardare fuori
così non vedi che già cambiano tutti i colori
e intorno a te la gente si agita si muove sempre
qualcuno grida è una protesta che nessuno sente
non c'è un futuro da difendere solo il presente
e anche di quello di salvabile c'è poco o niente
amore mio non ci resisto, io non ci resisto
vorrei convincerti a raggiungermi ma non insisto
tu riesci ancora a non vedere solo il lato brutto
io invece ho smesso devo andare, grazie di tutto.
Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio e si sta sciogliendo, non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando
E allora il tempo si fermerà, improvvisamente e chi si stava amando potrà
amarsi per sempre
E allora il tempo si fermerà, improvvisamente e chi si stava odiando dovrà
odiarsi per sempre
Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio e si sta sciogliendo, e non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando
Les Editions du chêne demeurent une référence dans l'édition de beaux livres, riches de photos de qualité. Celui-ci, sans faillir à la tradition, prétend aussi exprimer le bonheur de travailler que ressentent les membres du personnel de ces SCOP, les Sociétés Coopératives et Participatives, des entreprises gérées démocratiquement par des salariés-coopérateurs. Si à l'origine elles comptaient dans leurs rangs essentiellement des entreprises de fabrication artisanales ou industrielles, elles concernent de plus en plus le secteur du commerce ou des services, ce qui explique l'abandon de leur dénomination initiale : "Société Coopérative Ouvrière de Production".
Le titre de ce bel ouvrage, "Ceux qui aiment les lundis", parait ne laisser aucune ambiguïté sur le bonheur que procure le fait de travailler pour sa propre "boîte". A une époque où la perte de sens affecte le monde de l'entreprise, la SCOP serait une solution idéale pour redonner du sens au travail et améliorer les conditions de travail. Leur nombre croissant, elles sont actuellement 2 000 et fédèrent 40 000 salariés, tout autant que la joie affichée par les salariés mis en scène sur les différents clichés de ce livre semblent le confirmer.
Ceux qui aiment les lundis
Edition du Chêne - Collection : Photo-reportage
Dans ce film de Stéphane Brizé de 2009, l'intrigue est basée sur la rencontre assez improbable de 2 personnes de conditions et de niveau social différents. Jean, le maçon, interprété par Vincent Lindon, est taciturne, et intellectuellement limité, tandis que Véronique Chambon est institutrice, cultivée et occupe ses loisirs en jouant du violon. En raison de l'immobilisation de son épouse consécutif à un mal de dos, Jean doit se rendre à l'école récupérer son fils. C'est à cette occasion qu'il rencontrera l'institutrice (Sandrine Kiberlain) qui lui proposera de venir présenter son métier aux élèves, ce dont il s'acquittera avec passion, lui, pourtant avare de ses mots. Les enfants son enchantés. Ce sera le début de cette relation compliquée. Sur leurs métiers respectifs nous apprendrons peu de choses. L'entreprise de Jean intervient dans plusieurs corps de métier, il assurera d'ailleurs lui-même le changement d'une fenêtre dans l'appartement de l'enseignante, ce qui constituera l'une des seules démonstrations de la technicité de cette profession. Pour le reste, les scènes prenant pour cadre les chantiers montrent essentiellement des ouvriers à la tâche, parmi lesquels on reconnaitra Bruno Lochet. Les salariés sont respectueux des consignes de sécurité, puisqu'ils portent l des casques, des lunettes pour les opérations de découpe ou de limage à l'aide d'une meuleuse, ou autres E.P.I. (Equipements de Protection Individuels). Mais la caricature n'est pas loin, puisque l'on voit les "gars du bâtiment" boire de la bière. Du côté de Véronique, exceptées les scènes situées dans la classe avec les élèves, la seule incursion dans le métier de maîtresse d'école sera une séance de correction de copies. Sur le réalisme du statut de cette enseignante, il est permis de s'interroger, puisqu'elle est directement cooptée par sa directrice. Dans la réalité, c'est normalement le rectorat qui procède aux affectations. Les conditions de travail seront également abordées puisque le mal de dos d'Anne-Marie (Aure Atika) l'épouse de Jean est lié au métier qu'elle exerce dans une imprimerie. Ce film est adapté d'une œuvre de Eric Holder parue sous le même titre, Mademoiselle Chambon (Flammarion - 1996).
Ce programme diffusé en seconde partie de soirée en 2012 sur
France 2, n’a pas eu le retentissement qu’il méritait. Bien malheureusement. Ce
documentaire mettait en relief une méthode employée par le GAN, en s’appuyant
sur un cabinet de recrutement aux méthodes peu scrupuleuses. Une sélection
impitoyable qui n’a rien à envier aux pires formats de téléréalité, où l’on
retrouve toutes les formes de bassesse humaine : mise en compétition, pression,
avilissement, manipulation, lâcheté … La première impression, à regarder ce documentaire, c’est
que « ce n’est pas possible », il s’agit nécessairement d’une
fiction, tant les acteurs, qui n’en sont donc pas paraissent caricaturaux. Des
recruteurs aux questions déstabilisantes, telles qu’on ne devrait plus en voir
et des candidats prêts à se déchirer pour obtenir le précieux Graal, un poste
de commercial dans le groupe d’assurance français. Pour ces derniers, le
téléspectateur pouvait au moins compatir, car certains d’entre eux se
trouvaient en situation précaire, et cette opportunité pouvait représenter une chance
à saisir. Plus on avance dans la diffusion, plus on est pris d’écœurement :
on se dit que les protagonistes vont réagir. Que les consultants de ce cabinet
de recrutement vont se rendre compte qu’ils vont trop loin. Que les candidats
vont se rebeller, qu’ils vont s’entendre pour au mieux, abandonner cette
pantomime de recrutement, ou même rentrer dans le lard de ces tortionnaires. Ou
au moins que les représentants du Gan vont ouvrir les yeux et mettre fin à
cette torture. Non, rien de cela, le processus sera mené jusqu’à son terme pour
un piètre résultat. Mais le plus surprenant, c’est que finalement, l’image de l’entreprise
n’en sera qu’à peine écornée.
C'était dans le film de Christian de Chalonge, "L'argent des autres" (1978). Jean-Louis Trintignant y interprète le rôle d'un commis de banque, fondé de pouvoir dans une grande banque d'affaires, qui fera les frais d'une opération financière montée avec l'un des clients, Claude Chevalier d'Aven joué par Claude Brasseur. Lors d'une conversation informelle, deux dirigeants de l'établissement financier commentent les événements et envisagent le licenciement de leur cadre tout en reconnaissant qu'il sait déjeuner".
"Savoir déjeuner", au-delà de savoir se tenir à table et manger proprement, cela implique la capacité à veiller au bien-être des convives, notamment si ce sont des clients, et de lancer et entretenir une conversation, tout en veillant aux intérêts de son entreprise et de pouvoir convaincre les clients des avantages de travailler avec celle-ci, ou de l'intérêt de ses propositions commerciales. Une compétence malheureusement en voie de disparition ...
Libérations'est fait l'écho de cette séance de lecture de morceaux choisis ayant en commun de traiter des conditions de travail dans le théâtre, qui s'est tenue dans le XX ème arrondissement de Paris à la bibliothèque Oscar Wilde C'est d'abord une lecture du texte "Au boulot" qui fait référence à l'entretien
d’embauche ou d’un patron qui se jette par la fenêtre,
de licenciements, du cloisonnement des services ... Puis c'est au tour de du suisseUrs Widmer d'être à l'honneur avec sa pièce "Top Dogs" qui évoque également les licenciements "de gens bien", puis Oriza Hirata, auteur japonais dont on lit des extraits de "La hauteur à laquelle volent les oiseaux" qui traite entre autres de qualité dans une usine.
Enfin c'est "Made in china" de Thierry Debroux qui parachève ce florilège de lectures, et qui met en scène un recruteur, Lisa, confrontée à des candidats.