dimanche 25 mai 2014

Les "grands" philosophes dans une "boîte de com", Platon la gaffe, une BD de Jul et Pépin,

L'idée est intéressante et propice à la "rigolade", imaginer les philosophes les plus réputés à différentes postes d'une agence de communication, la Cogitop. C'est le pari audacieux de Jul (dessin) et Charles Pépin  (scénario) qui ont créé cette BD, "Platon la gaffe, Survivre au travail" dans laquelle Kévin Platon, un élève de 3ème en stage de découverte, côtoie Montaigne, en période "d'Essais", Karl Marx, délégué syndical, bien évidemment, Foucault le responsable de la vidéosurveillance, Thérèse d'Avila la secrétaire de direction ou encore Nietzsche un Directeur des Ressources Humaines ... un peu trop humaines.
Le collégien pourra aura l'occasion de "s'interroger sur les limites de l'open Space" ou sur "l'identité d'un PDG, Jean-Philippe ... Dieu, que personne ne voit", émaillant ce parcours initiatique, qui en fait, comme l'écrit le magazine Management (N° 215 - Janvier 2014), un "mélange de blagues potaches et de culture classique à prendre au 1er comme au 8ème degré", propre à "s'initier à la philo" ou "pour rire du quotidien au bureau".

Platon la gaffe, Survivre au travail avec les philosophesJul et Charles Pépin - Dargaud - 19,99 €.



lundi 31 mars 2014

"Mon oncle d'Amérique" : les thèses anthropologiques du Professeur Laborit dans un film d'Alain Resnais

En hommage à Alain Resnais, l'un des plus grands réalisateurs français, récemment disparu, Arte diffusait le 5 mars dernier l'un de ses films de référence, "Mon oncle d'Amérique". Caractéristique de l'esprit créatif du cinéaste, ce long métrage se situe à la frontière entre la fiction et le documentaire. Il débute par une présentation des personnages entrecoupée d'interventions du Professeur Henri Laborit portant sur les comportements des individus face à différentes situations, et comment ces attitudes sont dictées par les différents "cerveaux" de l'être humain. Le scientifique réapparaitra plusieurs fois au cours du film afin d'apporter son analyse sur les relations entre les différents protagonistes de la fiction, en illustrant ses propos par des expériences réalisées sur un rat enfermé dans une cage dont le plancher est soumis à des excitations électriques.
L'environnement professionnel et plus précisément le statut social des 3 principaux protagonistes serviront de support à Alain Resnais pour mettre en évidence les thèses anthropologiques du Professeur Laborit.
Roger Pierre interprète avec brio un haut fonctionnaire issu de la bourgeoisie et promis à une belle carrière, qui quittera femme et enfants pour une comédienne, Janine (Nicole Garcia), élevée dans le giron de sa modeste famille d'ouvriers, militants communistes. Il pensera trouver en elle la muse qui lui permettra d'écrire, mais retournera avec son épouse après que cette dernière ait manipulé la jeune actrice qui finira au sein du service Ressources Humaines d'un groupe textile. A cette occasion, elle croisera la route de René Ragueneau (Gérard Depardieu), catholique, originaire du milieu paysan que son frère et lui souhaitent ardemment quitter. Il deviendra directeur d'usine, mais peinera à supporter la pression, et sera sauvé du suicide grâce à l'intervention de Janine.
La chaine franco-allemande propose sur son site une excellente synthèse de ce film, dans laquelle figure cette citation du Professeur Laborit, qui pourrait résumer la réaction des salariés face à des situations professionnelles stressantes bien souvent induites par des comportement de domination : "Face à ce qui menace son existence, l'homme, lorsqu'il ne peut ni lutter ni fuir, répond par une attitude d'inhibition, explique Henri Laborit. Comme l'animal. Il développe un ulcère ou se suicide".

Et le neurobiologiste de conclure dans le film de Resnais : « Tant qu'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent et tant que l'on n'aura pas dit que jusqu'ici cela a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chance qu'il y ait quoi que ce soit qui change. »

dimanche 9 mars 2014

Harcèlement en entreprise dans la série "Boulevard du Palais" (France 2)

Boulevard du Palais est une série policière française diffusée depuis 1999. Elle met en scène des personnages récurrents, aux personnalités bien trempées, qui gravitent autour de la "petite juge" Nadia Lintz interprétée depuis l'origine par Anne Richard.
 Jean François Balmer, dans le rôle du Commandant de police judiciaire Rovère, devenu alcoolique suite à des accidents de la vie, est l'autre personnage principal. Il  est assisté de l'inspecteur Di Meglio (Philippe Ambrosini ) et d'un médecin légiste poète et philosophe à ses heures, Hannibal Pluvinage, dont les habits sont endossés par l'excellent Olivier Saladin. C'est lui qui au détour d'un échange donnera l'explication de l'intitulé du titre de cet épisode, "trepalium" qui désignait un engin de torture et dont le mot "travail" tire son étymologie. Car c'est dans le monde de l'entreprise que se déroule l'action de ce nouvel opus, avec pour point de départ, le suicide d'un cadre de TSA, Patrick Bello, qui adopte une manière originale, puisqu'il précipite l'automobile dans laquelle il a pris place contre un obstacle dans un atelier de bancs de tests de sécurité situé au sous sol de l'entreprise.
L'intrigue prendra un tour inattendu, puisque l'on découvrira finalement après un second suicide requalifié en homicide, que la dirigeante était en train de vendre l'entreprise qui compte 124 salariés à des concurrents allemands. C'est pour cette raison que, avec la complicité de son DRH, Chauvel, elle a "spolié" Bello d'un logiciel qu'il avait développé qui aurait pu entraver la cession. Le cadre, ne comprenant pas ce qui lui arrive glissera dans une spirale dépressive, bien entretenue par Chauvel qui ira jusqu'à le harceler, lui reprochant son poids, son âge  et même son hygiène en allant jusqu'à lui offrir du déodorant. Cette facette du harcèlement en entreprise semble la moins réaliste car la pression conduisant à une extrémité fatale est généralement plus sournoise. Elle est cependant assez bien décrite dans la première partie de l'épisode, notamment au travers des témoignages des différents personnages.
Son épouse d'abord, effondrée à l'annonce de la terrible nouvelle, qui se rendait compte que "son boulot le vidait de l'intérieur, on lui en demandait trop ou on ne lui demandait rien" ou son fils qui ajoute "il ne parlait pas de son boulot". Le discours du DRH est bien entendu teinté de mensonge, mettant le geste fatal du cadre sur le compte "d'une passe difficile, d'une inaptitude provisoire", mais l'entreprise ne lui en tiendra pas rigueur alors que "d'autres ne se seraient pas gênés pour le virer". Les dirigeants de l'entreprise évoquent aussi  "des difficultés dans le couple" ainsi que "des rumeurs de relation avec une fille", une des anciennes salariées, elle aussi victime de pressions, et qui avait été licenciée "pour abandon de poste", mais après qu'un mél d'insultes ait été adressé à sa patronne depuis son poste informatique. C'était en fait le résultat d'une première manipulation du DRH.
La position du médecin du travail est plus ambiguë. Il est d'abord difficile de comprendre où elle se situe physiquement, tant elle semble impliquée dans l'entreprise. Les permanences régulières qu'elle assure au sein de  l'établissement et qui génèrent cette impression sont très éloignées de la réalité. Elle expliquera "les troubles du sommeil" de Patrick Bello par la pression infligée par "la nouvelle stratégie de l'entreprise", et déplorera le manque de communication qui se traduira entre autres par le "remplacement de la machine à café par des cafetières individuelles disséminées dans les bureaux". A l'issue du premier décès elle sera bien sûr partie prenante de la cellule psychologique constituée avec Chauvel, un DRH décidément machiavélique qui introduira un logiciel mouchard dans le poste informatique de la thérapeute et qui fera aussi chanter sa patronne.
Les héros de la série de France Télévision ont sur ce petit monde un regard distancié mais peu critique, restant dans leur rôle. La" petite juge" rappellera la difficulté de "prouver le harcèlement" dans ce genre d'affaires, alors que Pluvinage confirmera les troubles du sommeil de Bello, qui "carburait aux calmants et somnifères". Le commandant Rovère se limitera à observer que le DRH "n'est pas submergé par les rendez-vous" mais la fille adoptive du policier montrera toute l'incompréhension dont souffrent les victimes de harcèlement car elle ne comprend pas que l'on puisse "se foutre en l'air parce qu'on est pas capable de dire non à un chefaillon".
C'est l'inspecteur Di Meglio qui sera le plus mordant, fidèle à son habitude, se lâchant d'un commentaire peu amène à l'attention du médecin du travail : "votre paie vient des cotisations patronales". La réalité n'est pas aussi simple, même si la médecine du travail est plutôt au service des employeurs, ce que les salariés ont du mal à comprendre. Ceux-ci se lamentent souvent du peu de profondeur des diagnostics des médecins du travail, mais ils ne doivent pas oublier que la mission de ces derniers lors des visites médicales n'est pas de contrôler la santé du personnel, mais de vérifier son aptitude. Dans le cas contraire, c'est le licenciement qui guette ...
En résumé, cet épisode reste assez réaliste,  seules quelques concessions imposées par le scénario nous éloignent des conditions réelles de l'entreprise, à l'exemple du comportement du DRH. Il rappelle sous certains aspects un épisode le la série "La crim" traité dans cet article de notre  blog ou "Seule", cet excellent téléfilm qui fait l'objet de l'article le plus lu de ce blog.


mardi 18 février 2014

Les métiers des pompes funèbres dans un film de Michel Delgado avec Didier Bourdon (2008)

Le film "Bouquet final", une fiction de Michel Delgado, traite d'un sujet sensible, les entreprises de pompes funèbres, et aurait pu facilement déraper. Il n'en est rien. Les différentes fonctions se cette activité méconnue et sensible sont abordées sous un angle sérieux, tout à fait crédible, même si l'on semble parfois à 2 doigts de la caricature. La dimension relationnelle, extrêmement importante dans ce métier, montre bien que ces entreprises avant tout "commerciales" pourraient profiter de la situation pour développer des ventes additionnelles (cross selling) ou des montées en gamme (upselling). Car le client, à qui il faut se garder de dire "au plaisir de vous revoir" ou "à bientôt" quand il prend congé, craint toujours de ne pas en faire assez pour le proche défunt. D'autres pratiques, moins glorieuses, sont à peine montrées, elles concernent plutôt des luttes entre concurrents ou des aspects juridiques.
Michel Delgado, le réalisateur, a su restituer toute la subtilité de la profession : à la fois confidents et commerciaux, parfois techniciens, comme la spécialiste de la thanatopraxie, interprétée avec justesse par Valérie Bonneton, les salariés maîtrisent l'art funéraire mais aussi celui du marketing.
La relation à la mort, que l'on imagine une compétence comportementale particulière dans ce métier est présente mais sans excès. Les deux principaux rôles font preuve à ce titre d'une grande sobriété que l'on doit au talent des deux acteurs : Didier Bourdon et Marc-André Grondin.


dimanche 16 février 2014

Surveillance et nettoyage dans un hypermarché en Uruguay : Gigante, un film de Adrian Biniez

Dans le monde des services annexes à la grande distribution, comme la sécurité ou le nettoyage, les conditions de travail sont similaires quel que soit le pays. Pour preuve, Gigante, ce film de 2009 du réalisateur argentin Adrian Biniez qui raconte une histoire d'amour naissante entre un vigile Jara, assigné à la surveillance video d'un hypermarché, et Julia, l'une des agents de l'équipe de nettoyage qui intervient la nuit dans le magasin. Gauche et maladroite, elle renversera une pyramide de rouleaux d'essuie-tout ou cassera un bocal, ce qui attirera la curiosité du jeune homme qui viendra à son secours et couvrira les chapardages des autres femmes de ménage, du moins tant qu'ils se limitent à des produits de première nécessité.
Sur l'exercice des deux métiers, la sécurité et l'entretien dans la grande distribution, les conditions à Montevideo sont très proches de ce que nous connaissons de ce côté-ci de l'atlantique : des horaires contraignants, le peu de considération des supérieurs, les brimades, la pression, des salaires réduits... Jara est même obligé de cumuler un second emploi de videur dans une boîte de nuit.
La relation sentimentale entre les deux employés se dénouera sur fond de conflit social, puisque, malgré une pétition lancée par les salariés, des suppressions de postes affecteront le personnel, dont celui de Julia, ce qui lancera son prétendant dans une explosion de colère, qui le fera renverser les produits de rayons entiers.
Ce film est à rapprocher de Mariline de Mehdi Charef, ou de "Surveillance" le téléfilm de France 2 tous deux traités dans ce même blog. Diffusé en janvier 2013 sur Arte que l'on peut remercier de nous proposer ce type de films rares, il a fait l'objet d'un article détaillé sur le site du Monde, et a obtenu l'ours d'argent aux Berlinades 2009.


lundi 25 novembre 2013

"Elisabeth ou l'équité" : une pièce de théâtre avec Anne Consigny

C'est à partir d'une œuvre d'Eric Reinhardt que Frédéric Fisbach a monté cette pièce, dans laquelle Anne Consigny interprète une DRH qui se débat dans un monde masculin. Elle doit faire face à des conflits sociaux et des fermetures de sites car son entreprise est détenue par un fonds de pension américain. Un événement dramatique bouleversera sa position au risque de se faire anéantir par le système, sur fond d'intrigues politico-financière et de mondialisation. Elle cherchera une issue par la quête du sens premier de "l'équité".
Dans cette pièce, l'entreprise et y est appréhendée d'un point de vue original, celui d'une cadre supérieure. C'est du moins l'analyse qu'en fait Gilbert Edelin, co-créateur du blog "Théâtre et entreprise", un site extrêmement bien documenté sur le monde du travail et la façon dont il est abordé dans le théâtre, créé par l'association du même nom. 
Voici un extrait de l'article qui peut être consulté à cette adresse : "D'abord, s'il n'est pas si fréquent que le théâtre s'intéresse au social, au monde du travail, à l'entreprise, il est rarissime qu'on y traite des cadres supérieurs, placés entre leur loyauté à l'entreprise et leurs valeurs humaines. Cette "caste" avec ses privilèges mais aussi ses contraintes est un sujet que le radar des médias et de la culture n'accroche pas: malgré son rôle dans les conflits sociaux on n'aborde en général l'entreprise que par la base, qui s'exprime plus naturellement et plus facilement par ce canal, qui est même un outil de lutte."
Production Théâtre du Rond-Point / Le Rond-Point des tournées, coproduction Théâtre Liberté / Toulon, Cie Frédéric Fisbach
Le texte a été publié le 3 novembre 2013 aux éditions Stock.
 



 

vendredi 25 octobre 2013

"Surveillance" : un téléfilm de France 2 au coeur de la sécurité dans un hypermarché

C'est d'un roman de Régis Serange que Sébastien Grall a adapté ce téléfilm, "Surveillance" qui se déroule en grande partie dans les parties cachées d'un hypermarché. L'histoire est captivante, bien que comme l'écrit  Hélène MARZOLF dans Télérama "le scénario s'emberlificote en accélération et prises de conscience peu crédibles, jusqu'à un dénouement expéditif et héroïque" qui transforme "cette critique de la société du flicage en épilogue de polar banal".
La trame prend corps avec l'embauche de PierreThomas Jouannet) en qualité d'agent de sécurité au sein de l'hypermarché ENO Center. Il sympathise avec Léa (Léonie Simaga) qui deviendra sa maîtresse, bien que toute relations entre employés soit interdite. Puis avec son zèle empreint d'intégrité, il gravira tous les échelons de la hiérarchie du service pour prendre le poste de responsable adjoint de la sécurité, en bénéficiant de la bienveillance de son supérieur judicieusement interprété par François Berléand. Notre jeune recrue, à qui l'entreprise tarde à délivrer son contrat de travail et qui lui verse des primes en espèces sonnantes et trébuchantes, des pratiques qui n'ont normalement plus cours dans la grande distribution, mettra à jour un trafic d'échange d'appareils d'électroménager, auquel participent des salariés et dans lequel trempe le Directeur Général Adjoint (Alexandre Steiger). Mais son chef lui demandera de ne pas révéler l'affaire, puisque lui est aussi est complice de ce remplacement d'articles de de contrefaçon, les appareils neufs étant écoulés par une entreprise dirigée par l'épouse de Sauveterre, le Directeur Général Adjoint.
Pierre devra également assurer une surveillance rapprochée sur la personne du Directeur Marketing (Francis Perrin), syndicaliste, qui, acculé, mettra fin à ses jours dans une chambre d'hôtel lors d'une tournée auprès des fournisseurs.
Réaliste ou non, cette référence aux conditions de travail n'est pas laseule dans ce téléfilm. La surface de vente n'est pratiquement pas montrée, sauf au travers du prisme de l'objectif des caméras de surveillance. ce sont donc les parties obscures du magasin qu'il est nous est permis de  voir : salle de contrôle, lingerie, bureaux de la direction et réserves. Evidemment, ce sont les la sécurité et le contrôle qui sont mis en avant, les relations entre hiérarchie et subalternes apparaissent rudes, froides, c'est un management très directif qui est adopté. Le responsable sécurité est du type "old school", espérons-le, décomptant par exemple les pauses pipis du temps de travail. Il ne recule devant rien pour faire baisser le taux de démarque, c'est à dire le pourcentage de Chiffres d'Affaires parti en perte ou en vol : surveillance poussée au harcèlement, pression, implantation de caméras dans les toilettes du personnel féminin ... Il passe son temps dans son bureau à contrôler et à vider sa bouteille de whisky.
Le Directeur Général Adjoint, quant à lui, va jusqu'à cacher de l'argent dans les affaires d'une hôtesse de caisse pour exercer un chantage et lui imposer une relation sexuelle. Le travail de ces "caissières" est survolé, seul le fameux SBAM, la formule mnémotechnique "Sourire-Bonjour-Au revoir Merci" revient à plusieurs reprises. il est par ailleurs surprenant de trouver la fonction de Directeur Marketing dans un magasin, même de taille imposante, d'autant plus qu'il démontre de la sympathie, voire de la complicité avec les fournisseurs, ce qui n'est pas la règle dans la Grande Distribution. Et le référencement et les négociations sont plutôt l'apanage des managers de rayons. Des concessions faites à la réalité au service du scénario de cet excellent téléfilm qui fait penser à Marie-Line, un film traité dans ce blog qui abordait entre autres des relations dans une équipe de nettoyage affectée à un supermarché.

lundi 21 octobre 2013

"La Fabbrica" : une pièce de théâtre d'Ascanio Celestini

La "Fabbrica" est une pièce appartenant à un genre à part, le  théâtre-récit.  Dans la lignée de Dario Fo, l'auteur, Ascanio Celestini, décrit "le vécu physique de l'usine", au travers d'histoires ou de luttes syndicales, mais aussi l'apprentissage par l'observation et la répétition des gestes. L'ouvrier n'est pas capable d'expliquer son métier à l'aide de paroles,c'est son corps qui le vit et le mémorise. C'est donc par des gestes et des attitudes qu'il peut l'exprimer.
Ascanio Celestini, lui-même fils d'ouvrier, dresse aussi  un panorama de la réalité industrielle et politique de l'Italie du 20ème siècle, au travers de l'histoire des travailleurs que sont le chef manœuvre amputé d'une jambe, son père et son grand-père, tous trois prénommés Fausto, ou du patron de l'usine. Autour d'un haut fourneau et de ses températures insupportables, la légende de l'industrie se construit : "Celle de l'origine où les ouvriers étaient forts comme le bronze et hauts comme les géants; celle des ouvriers aristocratiques rendus indispensables à la production jusqu'à être exemptés du service militaire durant la Grande Guerre et tolérés par le régime fasciste malgré leurs idées communistes ou anarchistes; et enfin la période contemporaine avec une usine qui réduit le nombre de ses travailleurs." (Source : www.théatre-contemporain .net).

Ascanio Celestini à la foire du livre de Turin en 2008 (Wikipedia.fr)


mardi 15 octobre 2013

15 jours ailleurs : un téléfilm avec Didier BOURDON sur France 2

C'était mercredi dernier, le 09 octobre 2013, France 2 proposait une soirée sur le thème "Burn Out : quand le travail nous fait craquer". Pour illustrer le sujet, et lancer le débat animé par Benoît DUQUESNE, il nous était proposé de voir un téléfilm de Didier BIVEL, "12 jours ailleurs", avec pour les 2 rôles principaux, Didier BOURDON et Judith CHEMLA. Le premier y interprète un acheteur omnipotent et manipulateur d'un hypermarché, qui, subitement, est lui-même victime d'un jeu de chaises musicales qui lui fera perdre son pouvoir, donc sa raison d'exister, et le fera tomber dans une grosse dépression que l'on qualifiera de "burn-out". Le phénomène n'est pas ici seulement lié à un surinvestissement dans le travail, mais autant à une perte de pouvoir. Et très certainement à un manque de reconnaissance, que Vincent, le personnage joué par l'ex "Inconnu", trouvera finalement en apportant son aide à une malade mentale, Hélène, qu'il rencontrera lors de cette période de 2 semaines de convalescence qu'il effectue en clinique psychiatrique.
Cette fiction nous délivre peu d'éléments sur les situations professionnelles et les conditions de travail. Si quelques scènes se déroulent en entreprise, ou sur les sites de fournisseurs que cet acheteur s'acharne à étrangler, au mépris de tout respect humain, l'essentiel de la trame se déroule au sein de l'établissement médical ou dans le foyer de ce cadre mis au ban du monde du travail. L'épouse, incarnée par Agathe DRONNE, assurera un rôle clé dans la reconstruction de Vincent, comme souvent dans la réalité, pour peu que la victime parvienne à s'épancher et à dépasser l'opprobre qui s'abat sur lui.
Les deux principaux interprètes de ce téléfilm ont obtenu une récompense au festival de Luchon pour leur interprétation.

samedi 12 octobre 2013

"Precario È Il Mondo" : Une chanson italienne de Daniele Silvestri sur la futilité du travail en Italie (2010)

Dans cette chanson de 2010, au rythme entraînant, Daniele SILVESTRI exprime d'abord sa désillusion pour "la petite botte", c'est à dire l'Italie, qu'il ne veut plus habiter, mais surtout pour l'inutilité du travail dans sa patrie : " Mon travail est inutile, futile même, déplaçable, remplaçable, régulièrement rançonné ... mon travail est fait de plastique qui peu à peu me vole l'âme ...".
Le premier couplet se poursuit, le ton se durcit : " le travail rend noble, je ne sais pas, peut-être, mais il rend certainement libre de se suicider, et moi je me suis brisé, je me suis brisé, je n'ai plus envie d'habiter la botte, ça n'a plus de sens de rester" ; il continue en remerciant, toutefois, "merci pour tout" et avant d'enchaîner avec le refrain, il conclue ce premier couplet "j'attends encore la fin du mois et j'arrête".
Mais pourquoi attendre la fin du mois, est-on en droit de se demander, puisque l'issue semble malheureusement fatale ?
Le refrain aborde un champ plus politique ou philosophique, "Le monde est précaire, la terre que je foule est flexible", un vocable qui n'est pas sans rappeler la mondialisation et ses effets, "la nuit est atypique, la poussière qui se soulève volatile ... la glace qui fond n'est pas pérenne, l'air non plus, il s'épuise, la seule incertitude est Quand".



Le second couplet continue dans un registre politique, puisque "Le monde est précaire, même si c'était normal, cette botte me semble encore plus précaire, elle s'effondre dans un tas de saletés, et ceux qui l'ont compris s'en vont". Puis, pour descendre sur les conditions de travail de manière plus précise, il prend à partie un individu, lui-même peut-être "toi au contraire, tu ne l'as pas compris et tu serres les dents derrière un bureau sans même avoir le temps de regarder dehors pour voir que toutes les couleurs changent et tout autour de toi, les gens s'agitent, bougent toujours". C'est alors l'impuissance qui est exprimée "Quelqu'un crie, mais personne n'entend cette protestation, il n'y a pas de futur à défendre, il y a seulement le présent, et encore à sauver il n'y a rien ou presque, mon amour, je ne résiste pas, je voudrais te convaincre de me rejoindre mais je n'y parviens pas, et je n'insiste pas". La fin de ce deuxième couplet verse dans le tragique, "toi, tu réussis encore à ne pas voir que le mauvais côté,  moi au contraire, j'y ai renoncé, je dois m'en aller, merci pour tout".
Enfin, entre la répétition des 2 derniers refrains, s'intercale un couplet restreint, en forme de jugement dernier, porteur d'espoir ou de désespoir éternel : "Et alors le temps s'arrêtera, à l'improviste, et qui s'aimait pourra s'aimer pour toujours, Et alors le temps s'arrêtera, à l'improviste et qui se détestait se détestera pour toujours".

Le texte original en italien :

Mi sono rotto, io mi sono rotto,
non ho più voglia di abitare lo Stivaletto
non ha più senso rimanere grazie di tutto
aspetto ancora fine mese poi mi dimetto
Tanto il mio lavoro è inutile, diciamo futile
essenzialmente rimovibile, sostituibile, regolarmente ricattabile
il mio lavoro è bello come un calcio all'inguine dato da un toro
il mio lavoro è roba piccola fatta di plastica
che piano piano mi modifica, mi ruba l'anima
dice “il lavoro rende nobili” non so può darsi,
sicuramente rende liberi di suicidarsi
e io mi sono rotto, io mi sono rotto,
non ho più voglia di abitare lo Stivaletto
non ha più senso rimanere grazie di tutto
aspetto ancora fine mese poi mi dimetto

Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio che si sta sciogliendo, non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando

Precario il mondo si finchè è normale
ma sembra ancora più precario questo stivale
che sta affondando dentro un cumulo di porcheria
e quelli che l'hanno capito vedi vanno via
e invece tu non l'hai capito, non l'hai capito
e stringi i denti dietro un tavolo dentro a un uffficio
senza nemmeno avere il tempo di guardare fuori
così non vedi che già cambiano tutti i colori
e intorno a te la gente si agita si muove sempre
qualcuno grida è una protesta che nessuno sente
non c'è un futuro da difendere solo il presente
e anche di quello di salvabile c'è poco o niente
amore mio non ci resisto, io non ci resisto
vorrei convincerti a raggiungermi ma non insisto
tu riesci ancora a non vedere solo il lato brutto
io invece ho smesso devo andare, grazie di tutto.

Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio e si sta sciogliendo, non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando

E allora il tempo si fermerà, improvvisamente e chi si stava amando potrà
amarsi per sempre
E allora il tempo si fermerà, improvvisamente e chi si stava odiando dovrà
odiarsi per sempre

Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio e si sta sciogliendo, e non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando