dimanche 27 septembre 2015

Clap de fin pour "The apprentice - Qui veut décrocher le job", la dernière émission de téléréalité de M6 et Endemol

The Huffington Post - 21/09/2015
Faut-il se réjouir de l'arrêt brutal après seulement 4 épisodes, de la programmation sur M6 de "The apprentice - Qui veut décrocher le job" cette émission de téléréalité ? Ou faut-il s'indigner que Endemol ait eu l'audace de créer une telle émission dans laquelle des candidats rivalisent pour décrocher le précieux Graal : un poste de Directeur Commercial au sein de l'une des entreprises de Bruno Bonnell, le serial entrepreneur français ? Certes, cette parodie de recrutement dans laquelle le fondateur d'Infogrames assure son propre rôle ne dépasse pas la réalité, si l'on se rappelle les recrutements collectifs opérés par le Gan et décortiqués par les caméras de France 2 en 2012 dans le documentaire "La gueule de l'emploi". Mais si Endemol avait refusé d'adapter  "Someone's gotta go" en France, une téléréalité dans laquelle des salariés devaient désigner celui d'entre eux qui devait être licencié, elle n'a eu aucun scrupule à produire ce programme. Las, avec seulement 1 million de téléspectateurs soit 4,6 % de parts d'audience pour le 1er épisode et 900 000 (3,7 % de PDA) pour le 2ème, la "petite chaîne qui monte" a décidé d'arrêter les frais et de poursuivre uniquement "en ligne" la diffusion de cette procédure de  sélection de ce Directeur Commercial. et qui restera le recrutement le plus cher jamais envisagé pour un apprenti, si l'on traduit littéralement "apprentice" ; un statut peu en cohérence avec le poste visé. Quoiqu'il en soit, les producteurs se sont engagés à ce que l'heureux élu soit embauché chez AWAbot l'une des entreprises de Bruno Bonnell. Et pourquoi ne pas suivre l'intégration de ce nouveau collaborateur et sa période d'essai dans le cadre d'un nouveau projet de téléréalité  ... ?
Pour information, dans la version britannique, c'est Alan Sugar le créateur d'Amstrad qui jouait le rôle de patron, tandis qu'aux Etats-Unis c'est le très médiatique candidat aux primaires républicaines pour les présidentielles américaines, Donald Trump qui assurait cette charge.


dimanche 13 septembre 2015

Hard discount et gaspillage alimentaire dans "Discount" un film de Louis-Jean Petit (2015)

S’il existait un César de la meilleure actrice de comédie sociale « à la française », CorinneMasiero devrait sans  conteste aucun, figurer parmi les nominées. Après ses prestations convaincantes dans « Louise Wimmer » et « De rouille et d'Os »,  évoquées dans ce blog. Dans Discount, un film de Louis-Julien Petit, elle occupe à nouveau un rôle central et colle encore une fois parfaitement au personnage. Le point de départ de l’histoire est assez simple : les employés d’un supermarché de type « hard-discount », sur le point d’être licenciés,  mettent en place une organisation afin de détourner les produits dont la DLC (date limite de consommation) est dépassée et  promis à la casse. Avant de les fouler du pied et d’y répandre de l’eau de javel, ils en prélèvent une partie qu’ils revendront à des prix extrêmement compétitifs, et pour cause, dans un magasin parallèle créé de toutes pièces dans la grange de la ferme où habite Christiane (CorinneMasiero). Le trafic débute timidement, mais devant l’intérêt affiché par les clients et les résultats financiers supérieurs à leurs attentes, et surtout la pression exercée par la directrice, interprétée par une excellente Zabou Breitman, la petite bande augmente les volumes.
Même si Louis-Julien Petit ne glisse à aucun instant avec facilité dans la fable, on ne demande qu’à adhérer à l’œuvre de ces Robins des bois modernes qui suscitent un bel engouement mais, la morale est sauve, ils finiront par se faire prendre sans que leur clientèle ne soit inquiétée.
Quant au réalisme des situations professionnelles, la plupart des scènes paraissent plausibles. Les employés remplissent les rayons et compactent les emballages, avant l’arrivée des clients, puis détruisent donc les produits en voie de péremption tandis que les hôtes ou hôtesses de caisse, selon le terme dévolu maintenant aux caissiers et caissières, assurent leur mission. Ils prélèvent parfois des bons de réductions à leur bénéfice, au risque, comme Christiane de se faire sanctionner, tout en  s’efforçant de respecter la cadence imposée par la direction.

Quelques aspects peuvent sembler moins crédibles, tel le comportement de la directrice. Salariée du groupe, elle ambitionne de devenir responsable de réseau. A cet effet, elle suit un cursus de formation au sein de l’enseigne. Elle y apprend par exemple que, quand elle conduit un entretien avec un collaborateur, elle doit toujours se faire assister par une personne qui notera par écrit les termes des échanges. Elle fait donc appel à sa « garde rapprochée », ses agents de sécurité, qui de manière tout aussi surprenante sont aussi chargés de chronométrer le personnel chargé de l’encaissement afin de maintenir la pression sur la productivité. Très curieusement, les vigiles semblent ne jamais se préoccuper des clients comme si la démarque inconnue ne pouvait être que le fait des salariés qu’ils ne manquent pas de fouiller en fin de journée, contre toute attente.

Sur le plan managérial, la manipulation n’est jamais bien loin. La directrice propose à Gilles, un de ses collaborateurs, une évolution professionnelle, alors que certains de ses collègues vont être victimes de suppressions de postes à l’occasion de la mise en place de caisses automatiques.
Le plus étonnant invraisemblable est peut-être cette ruée des clients le premier jour des soldes ; à l’issue du compte à rebours scandé par la directrice, ils se précipitent dans le commerce pour profiter des promotions que les employés du point de vente auront minutieusement préparées. Ils mettront encore plus de soin et de motivation lors de l’installation de leur propre magasin, dans cette ferme perdue dans la campagne : mise en place de la caisse et du merchandising, création des rayons, étiquetage, mise en place de la PLV et de l’ILV, allant jusqu'à proposer des services complémentaires telle la livraison à domicile.

En résumé, Louis-Julien Petit, donne à voir une description assez fidèle de la distribution et spécialement du hard discount, sans tomber dans la caricature, et sans s’appesantir sur l’idée de départ qui est le gâchis induit par la destruction de produits encore propres à la consommation dans le secteur de la grande distribution. Un sujet qui a refait récemment surface dans l’actualité, avec ce texte  de loi pour la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Et le César de la meilleure actrice de comédie sociale « à la française » est attribué à …

Pour aller plus loin :


Le festival du film francophone d'Angoulême où Discount a obtenu le Valois du public

La bande annonce :



dimanche 30 août 2015

Le monde de l'entreprise dans les Haïkus : Haïkonomics de Igor Quézel-Perron (Editions Envolume)

Le monde de l'entreprise peut investir toutes les formes d'expression. La dernière en date c'est le Haïku, cette forme de poème japonais extrêmement codifiée qui existe depuis quelques siècles mais que l'on a découvert semble-t-il depuis peu en occident. C'est un chasseur de têtes, Igor Quézel-Perron, qui s'est essayé, avec succès, à user des 17 mores du Haïku pour décrire l'entreprise, avec parfois, une allusion aux conditions de travail . Ses poèmes, publiés au sein d'un recueil aux Editions Envolume sous le titre Haïkonomics sont également consultables sur le site des Echos qui en proposait un à la lecture, chaque jour en fin d'année passée.


 Quelques morceaux choisis : 
- "Elle galope dans les couloirs/Toute à son ouvrage/La rumeur"
- "Photocopies/Progrès technologiques/Panne X32"
- "Réunion/On parle budget/Mon père est mort"
- "Après une réunion/Il retourne dans son bureau/Comme dans un refuge"
- "Elle galope dans les couloirs/Toute à son ouvrage/La rumeur"

jeudi 11 juin 2015

"Les heures souterraines" de Delphine de Vigan adapté au théâtre.

Le livre de Delphine de Vigan "Les heures souterraines"que nous avons cité dans ce même blog a été brillamment adapté au théâtre par Anne Loiret pour le Théâtre de Paris, dans une pièce où elle partage le 1er rôle avec Thierry Fremont dans une mise en scène de Anne Kessler,

Représentations :
  • Du mardi au samedi à 21 h 00
  • Samedi 17 h 00
  • Dimanche 15 h 30
Du 12 mai au 12 juillet 2015.





Le travail dans les carrières de marbre dans "Fils de personne" de Raffaello Matarazzo (1951)

Bien qu'une grande partie de ce "classique du mélodrame" se déroule dans les parages ou à l'intérieur même des célèbres carrières de marbre de Carrare, il ne nous délivre que peu d'informations sur le dur labeur des carriers au milieu du 2ème siècle.
Quelque scènes, cependant, montrent l'utilisation des explosifs, la découpe puis le transport de la précieuse roche, avec l'omniprésence de risques d'éboulis ou d'accident pendant la manipulation des blocs, à une époque où la mécanisation était très limitée.
A noter la présence au générique de l'actrice française Françoise Rosay.

Pour en savoir plus sur le film : Fils de personne



mardi 26 mai 2015

Des salariés transforment leur entreprise en SCOP dans la pièce de théâtre "Mécanique instable"

L’entreprise sert régulièrement de cadre à des œuvres de théâtre (voir sur ce blog ). Dans cette pièce de Yann Reuzeau, elle y occupe un rôle central, faisant même l’objet d’une transformation au cours de son déroulement. Afin de nous immerger rapidement au cœur de cette PME, les acteurs déambulent sur scène avant même le lever de rideau. Ce sont les collaborateurs des services commerciaux et administratifs de cette société qui intègre également une partie "production" qui sera figurée par l’apparition régulière de la chef d’atelier, vêtue d’une blouse bleue, qui fait aussi office de « syndicaliste de service ». Ses collègues, fidèles aux codes de l’entreprise de la fin du 20ème siècle se serrent la main pour se saluer et portent sous le bras des chemises cartonnées. Ils tiennent entre les doigts un gobelet de plastique provenant de la machine à café certainement placée dans un des couloirs menant aux bureaux, qui, par choix du metteur en scène, sont figurés par des plateformes carrées encadrées en leurs angles par des piquets de fer, faisant penser à de petits rings de boxe dont on aurait ôté les cordes. L’activité de l’entreprise dont nous allons suivre l’évolution sur une vingtaine d’années n’est pas clairement définie, la seule information qui nous est donnée est le nom du produit phare, le « MacGuffin», référence faite au maître Hitchcock.
Un événement lance l’action : contre toute attente, le jeune dirigeant annonce qu’il va céder sa société à l’un de ses concurrents. Les salariés en profitent pour la racheter et la transformer en SCOP (Société coopérative et participative), une forme juridique dans laquelle ce sont les salariés qui en sont les associés, donc les propriétaires. Elle reprendra son organisation originale à la fin de la pièce après avoir rencontré un franc succès, traversé la crise, mais aussi, essuyé un incendie. L’intérêt de « Mécanique instable » est de montrer la réaction des différents personnages devant des  situations et leur évolution en fonction des événements. La peur d’un avenir incertain, l’inquiétude, la déception, ou l’indignation face à ce qu’ils considèrent comme une trahison pour certains qui sont devenus les amis de leur patron. Puis l’intérêt et la curiosité, la motivation quand une des salariées propose de reprendre l’entreprise sous forme d’une SCOP. Puis la lâcheté voire la cruauté  quand il s’agit de licencier un « collègue-associé ». L’ambition et l’opportunisme dont ne manquera pas de démontrer une intérimaire de la comptabilité qui arrivera jusqu'au sommet de la hiérarchie.
Dans le registre des conditions de travail, la plupart des situations rencontrées dans le monde de l'entreprise sont évoquées : la maladie, les pathologies plus graves et les arrêts de longue durée, le stress voire le burn-out, les difficultés à concilier vie de famille et travail, l’opposition entre « les ateliers et les bureaux », la discrimination, l’atteinte du seuil d’incompétences et la quête du sens dans le travail exprimé par des commentaires comme « travailler c’est juste un moyen mais on y passe les ¾ de sa vie ».
Si des éléments stratégiques sont également abordés, comme la nécessité « d’augmenter la production pour permettre l’exportation », il est aussi question d’obsolescence programmée, c’est sur l’approche du statut de SCOP que cette pièce est la plus remarquable. Particulièrement bien documentée, elle en intègre toutes les dimensions. Sur l’aspect structurel, en expliquant que les « salariés-actionnaires » sont propriétaires de leur outil de travail, qu’ils prennent part aux décisions de l’entreprise et se partagent les bénéfices de l’activité ou décident de les réinvestir pour en favoriser le développement. Sur le plan humain, les interrogations ou les commentaires des salariés semblent plausibles ; « on paie pour travailler ? » se demande un cadre quand on lui propose d’acheter des parts de l’entreprise, pendant que les ouvriers hallucinent car « ils seront les patrons des cadres » ou qu’ils jubilent en s’apercevant qu’ils cumulent salaire et dividendes dans la période la plus faste de leur société : « on a gagné au loto ! ».
Ils seront confrontés à des décisions qu’ils n’avaient pas envisagées, comme de choisir un gérant pour leur structure ou de devoir licencier le commercial, un de leurs collègues-associés, provoquant une lutte des clase au sein de la SCOP . Cette aventure sera aussi l’occasion de révéler les personnalités et les valeurs cachées, plus ou moins nobles des différents personnages. Une secrétaire, par exemple, se lancera avec passion dans le projet et finira par rejoindre l’URSCOP, l’Union Régionale des SCOP . Le fait de citer cet organisme montre une fois encore la qualité de la recherche documentaire réalisée pour l’écriture de cette pièce.

Mécanique instable - Une pièce écrite et mise en scène par Yann Reuzeau avec Emmanuel de Sablet, Sandrine Molaro, Morgan Perez, Sacha Petronijevic, Leïla Séri, Sophie Vonlanthen -  Manufacture des Abbesses -  Scénographie : Philippe Le Gall - Lumière : François Leneveu.

Pour aller plus loin :

lundi 25 mai 2015

Une unité de sablage dans "Le jour se lève", le chef d'oeuvre de de Marcel Carné (1939)

"Le jour se lève", le film de Marcel Carné,  est avant tout un drame. C'est aussi une réflexion sur le sort des ouvriers, avec peut-être un parallèle avec la vie d'artiste ou de bohème personnifiée par Valentin (Jules Berry) le dresseur de chiens que tout oppose à François le sableur (Jean Gabin).
François est ouvrier dans un , il est affecté à une unité de sablage, endossant chaque jour sa combinaison qui ressemble à un scaphandre et manipulant une lance projetant du sable et de l'abrasif dans le but de décaper de grosses pièces usinées.

L'atmosphère est hostile, au point de flétrir en quelques minutes le bouquet que tient Françoise, la fleuriste (Jacqueline Laurent) en visite dans les ateliers. Ce sera leur première rencontre et l'unique plan tourné au sein de l’usine. Pour atténuer les effets de la poussière produite par la projection de sable, François boit régulièrement du lait dont il propose un verre à la jeune femme, tandis qu’un de ses collègues préfère le vin, sans pour autant que Carné ne fasse allusion aux problèmes d’alcoolisme du monde ouvrier.
L'entreprise représenterait même ici la vertu, car à la blancheur du lait il faut ajouter la propreté du prolétaire qui se lève chaque matin et, qui déclare avec certes une pointe d'ironie "le travail c'est la santé et la liberté". "Y'a une bonne petite place à prendre" lancera-t-il avec un peu plus de sarcasme aux badauds , alors qu'il est sur le point d'être arrêté par les policiers. 
A l'opposé, Valentin représente le vice, le mensonge et la manipulation, pour lui le travail de François est "malsain", et pas seulement au sens propre du terme. L'ouvrier de son côté considère que les bonimenteurs de son espèce sont comme "le sable en dedans" qui peu à peu dévore les poumons du sableur, au point que ses collègues doutent que les gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l'ordre pour le déloger de sa chambre où il s'est retranché puissent avoir de l'effet.
Et c'est la sonnerie du réveil-matin de l'ouvrier qui ponctue le chef d'oeuvre de Carné juste après que François  se soit donné la mort.
Si l'entreprise ne fait l'objet que d'un seul plan, il est à noter le niveau de modernité des équipements et des postures de ce poste de sablage pour un film qui remonte à 1939.


samedi 16 mai 2015

Les mineurs à Lens au début du 20ème siècle dans "Le fil du rasoir" un film de 1946 de Edmund Goulding

Nous sommes très loin des conditions de travail dans ce remarquable film de 1946 de Edmund  Goulding, « Le fil du rasoir » qui se déroule en grande partie dans les salons de la haute société américaine et britannique entre les 2 guerres mondiales. Cependant, au cours de son périple qui le mènera  de Chicago jusqu’aux  rives de la méditerranée, Larry, le personnage principal, à la quête de lui-même et interprété par TyronePower, occupera un emploi de mineur au sein des « Mines de Lens », avant de partir pour l’Inde sur les conseils d’un prêtre polonais défroqué rencontré à cette occasion. Larry se retirera ensuite sur l’un des plus hauts sommets de ce pays où il retrouvera la paix intérieure, puis retournera en Europe où il fera bénéficier ses proches de cette sérénité retrouvée et rencontrera l’amour sous les traits de Sophie, Anne Baxter, excellente, qui finira tragiquement à l’issue de péripéties absolument captivantes.
Le passage de Larry dans le Nord de la France est assez surprenant, du moins sur l’aspect des conditions de travail. Que la mine soit uniquement matérialisée par des wagonnets poussés sur des rails placés … au plein milieu d’une rue de la ville peut se comprendre pour des raisons de licence cinématographique et de facilité de mise en scène de l’œuvre de Somerset Maugham. En revanche, il est difficile d’expliquer pourquoi, curieusement, les mineurs sont tous vêtus d’une tenue similaire et d’une élégance rare ! Une vision très éloignée de celle de Zola ...

Toujours au titre des conditions de travail, nous verrons aussi Larry en matelot à l’œuvre sur le pont d’un navire marchand qui fait route pour Amérique, mais de manière furtive puisque ce sera la scène de fin sur laquelle défilera le générique.
La critique de Télérama du 27/12/2014 : Le fil du rasoir.

Un des scènes se déroulant à Lens :




lundi 13 avril 2015

La vie au bureau ou dans un magasin de bricolage dans le film "Bancs publics" de Bruno Podalydès (2009)

"Bancs publics" ce film de de 2009 de Bruno Polydalidès sous-titré « Versailles rive droite », aurait pu aussi bien s’appeler « Au bureau ou au magasin » puisqu’il offre une véritable dichotomie entre, d’une part, la vie dans les bureaux d’une entreprise dont on ne connait pas précisément l’activité mais que l’on situe dans le tertiaire, et, d’autre part, la vie au sein d’un magasin de bricolage de proximité, Bricodream, installé dans l’immeuble d’en face. Ces 2 mondes bien différents vont se rencontrer par l’intermédiaire de l’un des vendeurs de Bricodream qui accroche à sa fenêtre une banderole sur laquelle est inscrite la simple mention « Homme seul ». La divergence entre les 2 univers est peut-être recherchée, et certainement accentuée par le fait que, si c’est le réalisateur qui s’est chargé du scénario pour la partie « Bureaux », c’est son frère Denis également à l’affiche du film, qui a assuré l’écriture pour la partie se déroulant dans la surface de distribution spécialisée. Ce qui explique peut-être également que c’est là que réside l’aspect le plus fantasque de cette comédie.
Les vendeurs tout d’abord, arborent de curieuses blouses imprimées d’un ciel nuageux et évoluent au milieu de palmiers décoratifs ou sous des enseignes « kitch ». Du côté de leurs compétences également avec des comportements stéréotypés induits par leur responsable, apôtre des nouvelles méthodes managériales ponctuées de phrases toutes faites telles « si le client se baisse, c’est gagné » ou aux slogans guerriers comme «  Fight, fight, fight ! ». Des conseils peu suivis par les collaborateurs parmi lesquels on trouve un conseiller de vente hyper-technique (OlivierGourmet) ou son collègue incompétent (Denis Podalydès) bien en peine avec une machine de démonstration aux dimensions impressionnantes. Toujours dans un registre professionnel, le marketing et le merchandising laissent à désirer avec par exemple, une opération de street-marketing et la mise en place d’un étalage thématique  sur l’automne des plus fantaisistes.
Le côté « Bureaux » laisse moins de place à l’excentricité mais la caricature n’est jamais bien loin. Au service comptable, déjà, où pendant que l’une des employées joue à Pacman sur son ordinateur, une autre surfe à la recherche d’un compagnon tandis que la troisième utilise Internet pour préparer ses prochaines vacances. Elles seront juste perturbées par la salariée d’un autre service, chargée d’une collecte destinée à financer un cadeau à l’occasion d’un départ en retraite, un cadeau qui s’avèrera particulièrement ridicule. Ce sera ensuite le chef qui fera irruption dans le bureau pour solliciter une des employées afin de faire le point sur un PowerPoint dont elle doit achever les derniers « slides », sans oublier de lui préciser qu’il faut « qu’on garde le lead ».

L’univers du bureau est donc assez réaliste sans trop tomber dans la caricature, même si la machine à café propose du potage au cresson, tandis que certains salariés privilégient leurs propres préparations concoctées grâce au nécessaire complet rangé sur l’étagère supérieure de leur armoire métallique. Un meuble situé derrière leur bureau où trône un téléphone avec lequel il faut bien sûr, « faire le 0 pour sortir », juste à côté de l’ordinateur orné d’un fonds d’écran très personnel pour le cadre dont on devine qu’il est amateur de vélo. Et bien entendu, ces salariés, tels des « prisonniers du boulot »,  rayent les jours sur le calendrier punaisé au mur, afin de mesurer le temps inexorable dont seul le 1er mercredi du mois est scandé par le rituel de l’essai de la sirène d’une caserne que l’on devine voisine.

La présentation du film sur le site d' Arte : "Bancs publics"

mardi 3 mars 2015

La condition de cheminot dans les années 30 dans le film de Jean Renoir "La Bête Humaine" (1938)

C’est une adaptation très épurée de l’œuvre de Zola que nous proposait Jean Renoir en 1937, et comme l’écrit Marine Landrot dans Telerama (N° 3398 du 25/02/15) « contre toute attente, il élude le naturalisme du roman et se consacre à l’évocation du dilemme amoureux de Lantier ». Le cinéaste transpose également le récit dans un contexte contemporain et c’est donc le monde de la S.N.C.F., à peine constituée par la toute récente nationalisation des chemins de fers de l’Etat qui sert de support à cette « Bêtehumaine ».
Lantier (Jean Gabin) est mécanicien d’une locomotive affectueusement surnommée "la Lison" qui roule sur la ligne Paris-le havre. A l’époque, le mécanicien, responsable de sa machine, est assisté d’un chauffeur qui est chargé d’alimenter le foyer en charbon afin que la pression de la chaudière ne descende pas. Le travail est dur, il s’effectue dans la chaleur, la poussière et la fumée, et requiert une vigilance de tous les instants pour éviter que le train ne déraille en heurtant un animal qui divaguerait sur la voie. C’est ainsi que Lantier et son adjoint Pecqueux (JulienCarette) racontent comment ils ont percuté une vache, heureusement sans dommages, bien que le cuir de cet animal présente un réel danger par sa très grande résistance. Cette conversation intervient avec des collègues cheminots dont l’un d’eux tient dans ses mains une perdrix qu’il est allée ramassée le long de la voie après que leur locomotive l’ait percutée. Un exercice réalisé sans que la machine ne soit arrêtée, ce qui nécessite de courir le long des rails et semble constituer une pratique courante à l’époque mais déconseillée par Pecqueux, le chauffeur, par le danger qu’elle présente.
Entre deux trajets ou bien en cas d’avarie, les cheminots résidents dans des logements situés à proximité de la gare. Dans les chambres, partagées par les équipages, le lit du mécanicien et celui du chauffeur sont indiqués à l’aide  d’une pancarte, respectant ainsi une certaine hiérarchie, tandis que les repas sont pris dans une cuisine commune où chacun mitonnne ses petits plats sur des réchauds prévus à cet effet.
Le statut de ces salariés revêt un caractère particulier, puisqu’il semble qu’ils doivent « payer » leur consommation de charbon (et d'huile ?), ou qu’ils soient pénalisés en cas d’excès, de même que la casse d’une pièce peut leur être financièrement imputée.